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Adaptation de la fiscalité à l’économie collaborative : dépôt d’une proposition de loi au Sénat

L’économie collaborative a représenté 28 milliards d’euros en Europe en 2015 et devrait atteindre près de 570 milliards d’euros en 2025. Outre ces revenus exceptionnels, les plateformes en ligne, en créant de nouvelles opportunités d’échanges et de services, brouillent les frontières traditionnelles existantes en matière sociale et fiscale entre particuliers et professionnels.

C’est dans ce contexte qu’une proposition de loi « relative à l’adaptation de la fiscalité à l’économie collaborative »  ayant vocation à entrer en vigueur le 1er janvier 2018, a été déposée au Sénat le 29 mars 2017. Notre experte en formation juridique et fiscale, Mathilde Ducrocq, revient avec vous sur les propositions faites par le groupe de travail de la commission des finances sur ce sujet. 
 

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1.Quels enjeux ?

1.1.​Moderniser la fiscalité de l’économie collaborative…
Les propositions faites par le groupe de travail ont vocation à adapter les règles fiscales et sociales applicables à l’économie collaborative. Le droit actuel, conçu pour un monde physique dans lequel elles n’étaient pas appliquées –pas de traçabilité, faible ampleur…- ne répondant pas au marché.
Rappelons qu’actuellement, sauf exception (occasion et partage de frais), ces revenus sont imposables dès le premier euro. La réalité est toute autre puisque seuls 15% des Français utilisateurs des plateformes collaboratives déclareraient leurs revenus qui en sont issus.
1.2.Combler les lacunes existantes en matière de protection sociale…
En ce qui concerne les règles sociales, il n’existe aucun critère de distinction entre les « professionnels » et les « particuliers », ces derniers encourant le risque permanent d’être soumis aux règles sociales des professionnels, position difficilement tenable pour une personne souhaitant simplement compléter ses revenus.
1.3.…. Sans remettre en cause les échanges entre particuliers
Le rapport issu du groupe de travail le rappelle : il ne s’agit pas de pénaliser les particuliers mais uniquement de soumettre les professionnels utilisant ces plateformes aux mêmes règles que les autres travailleurs indépendants, dans le but de garantir une équité entre professionnels, par la juste imposition des revenus significatifs.

2. Quels « mots d’ordre » ? Simplicité, Unité, équité

Si « l’économie collaborative a toute sa place dans notre société (…) –elle- ne doit pas servir de paravent à une concurrence déloyale et à une érosion des recettes fiscales ».
La multiplication des échanges et le faible taux de déclaration des revenus issus de ces plateformes créent un manque à gagner réel pour l’Etat. Celui-ci devrait être limité par les obligations déjà votées, pour les plateformes, de déclarer dès 2018 les revenus des utilisations aux URSSAF et à partir de 2019 à l’administration fiscale.
Le texte déposé au Sénat renforce cette lutte à l’aide de 18 propositions construites autour de 3 principes :
Simplicité pour les utilisateurs ;
Unicité du domaine fiscal et du domaine social ;
Equité entre les contribuables.
Ces règles, qui seraient applicables à toutes les plateformes et à tous leurs utilisateurs, ont également été fixées dans le respect de certaines contraintes : pas de nouvel impôt, pas de remise en cause des régimes existants, pas de remise en cause des règles et obligations sectorielles.

3. Quelles sont les principales propositions du groupe de travail de la commission des finances ?

3.1. Distinguer professionnels et particuliers et exonérer les petits compléments de revenus (articles 1, 2 et 4)
La mesure phare de la proposition de loi déposée au Sénat concerne l’exonération des petits compléments revenus, soit ceux inférieurs à 3 000 €, à l’aide d’un abattement minimum (dans le cadre des régimes « micro ») ou forfaitaire.
Ce seuil de revenus servirait tant en matière fiscale (exonération des revenus occasionnels et accessoires) que dans le domaine social (affiliation facultative au RSI en raison d’une présomption du caractère non professionnel de l’activité).
Une position intermédiaire, qui prendrait la forme d’un abattement dégressif et d’une affiliation au cas par cas au RSI, s’appliquerait aux revenus compris entre 3 000 € et :
– 4 225 €, pour les ventes de biens ;
– 6 000 € pour les prestations de services telles que le transport de personnes, la location d’appartement meublé, … ;
– 8 824 € pour les services spécifiques comme le soutien scolaire ou les cours de yoga.
A noter : cette exonération ne s’appliquera qu’aux revenus déclarés automatiquement par les plateformes, qu’ils relèvent des BIC, des BNC ou des revenus fonciers. Les modalités de cette déclaration (informations obligatoires -nom, adresse électronique, numéro d’identification, montant des revenus bruts …-, délai, accord de l’utilisateur…) sont prévues par l’article 4 de la proposition de loi.
Au-delà de ces seuils, les revenus seraient considérés comme significatifs et le contribuable dès lors imposé comme un professionnel et obligatoirement affilié au RSI (en revanche, pour les indépendants par ailleurs affiliés au RSI, ces revenus, s’ils ne sont pas rattachés à leur activité principale, ne seraient pas pris en compte dans l’assiette de leurs cotisations sociales).
Attention : en ce qui concerne le RSI, les seuils d’affiliation obligatoire applicables depuis le 1er janvier pour les locations de biens meubles (7 846 €) et des locations de logements meublés (23 000 €) ne seraient pas modifiés.
3.2. Moderniser l’accès aux plateformes (articles 1 et 2)
Dans cette logique de modernisation, le texte déposé au Sénat aménage également un certain nombre de règles aujourd’hui obsolètes en :
– instaurant une présomption d’accord hiérarchique en faveur des agents publics n’exerçant qu’une activité accessoire sur ces plateformes ;
– régularisant la possibilité de bénéficier du régime micro-BIC pour la location de biens meubles entre particuliers ;
– supprimant les contraintes applicables aux ventes d’occasion entre particuliers dans le cadre des plateformes certifiées (limitation du nombre de vente, attestation sur l’honneur…)
3.3. Quel rôle pour les plateformes ? (articles 3 et 4)
Les plateformes sont déjà tenues d’informer leurs utilisateurs de ces obligations sociales et fiscales, mais le groupe de travail propose d’en aménager les modalités en adaptant cette information aux divers modèles économiques (notamment en dispensant l’information « à l’occasion de chaque transaction », sous condition d’envoi d’un récapitulatif mensuel).
De même, l’obligation faite aux plateformes de déclarer ces revenus à l’administration fiscale serait aménagée :
– La déclaration automatique des revenus deviendrait facultative –mais serait la condition sine qua non pour bénéficier de l’exonération des petits compléments de revenus ;
– Les revenus exonérés par nature ne seraient pas soumis à déclaration (sous réserve de procédures certifiées garantissant leur caractère non imposable et d’un agrément du ministre du budget).
A noter : l’agrément, sorte de « rescrit plateforme en ligne », permettrait à ces acteurs de faire valider en amont leurs règles et procédures internes concernant la distinction des revenus imposables ou non.
Enfin, pour les micro-entrepreneurs, et avec leur accord, les plateformes pourraient collecter, en sus des cotisations et contributions sociales, le prélèvement libératoire de l’IR.
3.4. Les modalités du contrôle
Le rapport s’intéresse également aux modalités de contrôle de ces nouvelles règles. Le texte qui en ressort préconise ainsi :
– Un contrôle fiscal renforcé donnant la priorité au contrôle des revenus non soumis à une déclaration automatique ;
– la mise en place d’un droit de communication (non nominatif) à l’échelle de l’UE ;
– de doter l’administration fiscale de compétences de pointe en matière d’analyse de données ;
– de promouvoir une approche commune, au niveau européen ou international de l’adaptation de la fiscalité à l’économie des plateformes en ligne.