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Adoption définitive de la loi Sapin 2 par l’Assemblée nationale

Le 8 novembre 2016, la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 », a définitivement été adoptée par l’Assemblée nationale. Cette loi, transmise au Conseil Constitutionnel le 15/11/2016, a pour but de « réaliser de nouveaux progrès en matière de transparence et de modernisation de la vie des affaires et des relations entre acteurs économiques et décideurs publics ». Nos experts en formation juridique et fiscale, Mathilde Ducrocq et Fabrice Courault, vous en présentent les principales mesures, sous réserve de censure par le Conseil Constitutionnel.

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Lutte contre les manquements à la probité et la corruption

 
Prévention et Aide à la détection de la corruption
 
La nouvelle agence française anticorruption (AFAC) sera chargée de prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme
 
Pour cela, elle :
 
– Participera à la coordination administrative, centralisera et diffusera les informations nécessaires ;
– Elaborera des recommandations, publiées au JO ;
Contrôlera de sa propre initiative ou sur demande de certaines autorités (Premier ministre, ministres, Président de la haute autorité pour la transparence de la vie publique,…) la qualité et l’efficacité des procédures mises en œuvre dans les personnes morales de droit public.
 
Elle sera dirigée par un magistrat nommé pour 6 ans par le Président de la République et comprendra une commission des sanctions composée de 6 membres. Tous seront tenus au secret professionnel.
 
L’agence élaborera chaque année un rapport annuel d’activité, qui sera rendu public. 
 
Protections des lanceurs d’alerte 
 
Les lanceurs d’alertes sont « les personnes physiques qui révèlent ou signalent, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international, de la loi ou d’un règlement, ou une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général dont elles ont eu personnellement connaissance ». 
 
Ils sont protégés par des mécanismes :
 
– d’irresponsabilité pénale en cas de violation du secret professionnel, sauf exceptions ;
– d’interdiction de sanctions professionnelles pour ce motif sous peine de nullité (licenciement, mesure discriminatoire, refus de reclassement, …) ; 
Financiers : avances sur frais de procédures, secours financier temporaire… ;
De confidentialité, assurée par les procédures mise en œuvre de l’action.
 
Le signalement d’une alerte est porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, de l’employeur ou du référent désigné ou, en cas de danger grave ou imminent, à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels. En dernier ressort et à défaut de traitement du signalement par ces autorités dans un délai de 3 mois, il peut être rendu public.
 
Mesures de luttes contre la corruption
 
Obligation est faite aux représentants (présidents, gérants de sociétés ou d’EPIC, membres du directoire de SA…) de personnes morales ou groupe de personnes morales d’au moins 500 salariés et réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros de prendre les mesures destinées à prévenir ou détecter la commission de faits de corruption ou de trafic d’influence.
 
Parmi celles-ci, on notera notamment la mise en œuvre de :
 
code de conduite (intégré au règlement intérieur de l’entreprise) pour définir et illustrer les comportements à proscrire ; 
– dispositif d’alerte interne pour permettre le recueil des signalements de ces comportements ; 
dispositifs de formations destinés aux personnes les plus exposées aux risques ;
dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre ;
-…
 
L’AFAC contrôle le respect de ces mesures. En cas de manquement, la commission des sanctions, si elle est saisie, peut :
 
– enjoindre à la société d’adapter ses procédures (délai maximum de 3 ans) ;
– prononcer une sanction pécuniaire dans la limite de 200 000 euros ou 1 million d’euros ; 
– ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de la décision.
 

Zoom sur les dispositions relatives à l’assurance vie dans la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique

 
Le secteur bancaire bénéficie d’un régime de résolution des crises (système de transfert des portefeuilles, de remboursement des dettes (bail in) de protection des dépôts plafonnés…) et notamment, dans le cadre de l’intervention préventive du Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR) (article L.312-5 paragraphe II du Code monétaire et financier), les comptes bancaires peuvent être bloqués. Or dans le secteur de l’assurance, seules quelques dispositions permettant la résolution des crises avaient été prises. 
 
L’article 21 bis, créé par amendement, de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, votée définitivement le 8 novembre, devenu l’article 49 donne, dans ce cadre de la prévention et de la résolution des crises financières dans le secteur de l’assurance, les nouveaux pouvoirs suivants au Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) :
 
• la restriction temporaire des droits des assurés sur leur contrat d’assurance vie, décision relevant actuellement de la compétence de l’ACPR (Art 612-33 -7 Co mo fi), mais uniquement à l’encontre d’un seul organisme d’assurance ;
• la modulation forcée de constitution et de reprise de la participation aux bénéfices. 
Cette évolution législative importante est soumise à la sanction du Conseil constitutionnel suite à sa saisine, le 15 novembre, par 60 députés et 60 sénateurs. Les parlementaires reprochent à cet article 49 de porter atteinte à l’économie des contrats en cours. Par ailleurs, ils estiment que l’encadrement prévu par la loi ne peut être regardé comme proportionné au regard de l’objectif poursuivi.
 
La restriction temporaire des droits des assurés sur leur contrat d’assurance vie
 
Le nouvel art 5 ter du L 631-2*-1 du code monétaire et financier prévoit – s’il n’est pas jugée non conforme par le Conseil constitutionnel  -qu’afin de prévenir des risques représentant une menace grave et caractérisée pour la situation financière d’un organisme d’assurance ou pour la stabilité du système financier, le Haut Conseil, en veillant à la protection de la stabilité financière et des intérêts des assurés, adhérents et bénéficiaires, pourra prendre pour une période maximale de trois mois, qui peut être renouvelée, les mesures conservatoires suivantes:
 
« a) Limiter temporairement l’exercice de certaines opérations ou activités, y compris l’acceptation de primes ou versements ;
« b)  Restreindre temporairement la libre disposition de tout ou partie des actifs ;
c) Limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat ; Ces mesures ne peuvent être maintenues plus de six mois consécutifs.
« d)  Retarder ou limiter temporairement, pour tout ou partie du portefeuille, , la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat ;
« e) Limiter temporairement la distribution d’un dividende aux actionnaires, d’une rémunération des certificats mutualistes ou paritaires ou d’une rémunération des parts sociales aux sociétaires.
 
Cette disposition avait fait l’objet d’un amendement au Sénat, qui n’a pas été retenu par l’assemblée nationale en dernière lecture, qui excluait les réassureurs de ce blocage par le HCSF. Cela aurait pu permettre aux contrats d’assurance vie luxembourgeois qui bénéficient d’un support en euros sur la base de la technique de réassurance de continuer de bénéficier d’une totale liberté de rachat ou d’arbitrage. Compte tenu du texte voté, les assureurs luxembourgeois pourraient voir les fonds euros, support via la réassurance de leur contrat, bloqués. Néanmoins, et contrairement aux contrats d’assurance français, les autres unités de comptes ne pourront pas être bloquées par le HCSF.
 
Enfin, il faut noter que ces pouvoirs donnés au HCSF sont encadrés par :
 
– la nécessité de justifier d’une menace grave et  caractérisée soit pour la situation financière d’un organisme d’assurance (ou d’un groupe) soit pour la stabilité du système financier
– l’obligation de veiller aux intérêts des adhérents, assurés et bénéficiaires
– La limitation dans le temps de ces pouvoirs (3 mois renouvelables ou six mois pour le blocage des rachats)
 
La modulation forcée de constitution et de reprise de la participation aux bénéfices 
 
Le nouvel article 5° bis du L 631-2*-1 du code monétaire et financier – toujours sous réserve de la décision de conformité par le Conseil constitutionnel  permet au HCSF,  sur proposition du gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, de moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices.
 
Le HCSF pourra obliger – sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel –  les organismes d’assurance a diminuer le taux de rendement des fonds en euros, en agissant sur la dotation ou la reprise de la provision pour participation aux bénéfices (qui doit être au minimum de 90 % des bénéfices techniques et de 85 % des bénéfices financiers, selon le code des assurances, mais qui sont souvent supérieurs). Le HCSF pourra ainsi mettre en application les mises en garde du gouverneur de la Banque de France et du vice-président de l’ACPR quant à la nécessité de baisser la rémunération du fonds en euros, en raison d’une part des taux obligataires bas et du risque de moins-values sur ces titres en cas de hausse des taux. 
 
Une « provision pour rendements futurs » est à l’étude au sein de la FFSA pour permettre aux organismes d’assurance de lisser les rendements dans le temps par un dispositif contra-cyclique de provisionnement de place.