Le mois dernier, pas moins de 7 décrets d’application de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi Travail », sont parus au Journal officiel.
Notre experte en formation juridique et fiscale, Mathilde Ducrocq, vous introduit succinctement ces textes disparates de fin de mandat.
1. Publicité des accords collectifs
A compter du 1er septembre 2017, les textes issus de la négociation collective (conventions et accords de branche, de groupes, interentreprises, d’entreprises et d’établissements) seront rendus publics et intégralement accessibles dans une base de données nationale, sauf accord contraire.
Le décret du 3 mai 2017 précise que cet accord de « non-publication » partielle devra être signé par la majorité des organisation syndicales signataires du texte et le(s) représentant(s) légaux de l’entreprise, ou, dans le cadre des accords de branche, une ou plusieurs organisations professionnelles d’employeurs. Par ailleurs, la raison justifiant la demande de publication partielle devra être précisée. Le document sera alors publié avec l’indication qu’il s’agit d’une publication partielle.
A défaut d’accord, les parties pourront demander l’anonymisation du document publié, cette règle étant applicable de droit durant la période transitoire courant jusqu’au 1er octobre 2018.
2. Responsabilité sociale des plateformes de mise en relation par voie électronique
A compter du 1er janvier 2018, les plateformes de mise en relation par voie électronique auront une responsabilité sociale à l’égard des travailleurs indépendants :
– lorsqu’elles détermineront les caractéristiques des prestations ou biens vendus ;
– Qu’elles en fixeront le prix ;
– Et que les travailleurs indépendants y réaliseront un chiffre d’affaires supérieur à 13% du PASS.
Cette responsabilité se matérialisera par une demande de remboursement du travailleur indépendant, en faveur de la prise en charge d’une partie de sa cotisation d’assurances accidents du travail, de sa contribution à la formation professionnelle, de ses frais d’accompagnement (dans la limite de 3% du PASS) et de l’indemnisation de la perte de revenus dans le cadre du parcours de la validation des acquis de l’expérience (dans la limite de 24 fois le taux horaire du SMIC).
Lorsque plusieurs plateformes répondront à ces critères, chacune acquittera les cotisations, contributions et frais au prorata du CA réalisé sur sa plateforme par le travailleur indépendant.
3. Mise en place d’une instance de dialogue social dans les réseaux franchisés
Depuis le 7 mai 2017, une nouvelle instance de représentation du personnel, l’ « instance de dialogue social » peut être mise en place dans les réseaux franchisés d’au moins 300 salariés, lorsque les clauses du contrat de franchise ont un effet sur l’organisation et les conditions de travail des salariés du réseau.
3.1. En présence d’un accord
Lorsque toutes les conditions de mise en place de l’instance sont remplies et qu’une organisation syndicale représentative le demande, le franchiseur est tenu d’ouvrir des négociations entre les organisations syndicales représentatives et l’ensemble des employeurs du réseau franchisé, dans un délai de 2 mois.
Le groupe de négociation est réparti entre deux collèges, salariés et employeurs, et a pour but de déterminer les modalités de mise en place de l’instance de dialogue social (composition, règle de désignation des membres, durée du mandat, heures de délégation, prise en charge des frais,…).
A l’issu des négociations, pour être valide, l’accord doit présenter certaines caractéristiques listées par le décret : signature du franchiseur, des organisations syndicales, des employeurs représentant au moins 30% du réseau, absence d’opposition.
3.2. En l’absence d’accord
Lorsque les parties ne parviennent pas un accord dans un délai de 6 mois, un constat de désaccord est établi (sauf demande de report du terme par les parties).
Le décret fixe alors, de manière supplétive, les modalités d’organisation de l’instance. Il prévoit ainsi qu’elle est composée de 2 collèges, de salariés et d’employeurs, comptant chacun 3 ou 4 titulaires et 3 ou 4 suppléants, selon les effectifs du réseau. Ces membres sont nommés pour 4 ans.
3.3. Répartition des frais
Les dépenses afférentes aux frais de séjour et de déplacement des représentants des salariés et des employeurs, ainsi que des dépenses de fonctionnement de l’instance et d’organisation des réunions sont engagées par le franchiseur. Ce dernier peut ensuite demander aux entreprises du réseau d’y contribuer, dans la limite de la moitié des frais supportés. La contribution versée par les franchisés est ensuite calculée au prorata de leurs effectifs.
4. Echanges de données dématérialisées relatives à la formation professionnelle
Un autre décret organise, depuis le 7 mai 2017, l’échange dématérialisé de données qualitatives, quantitatives, et financières entre les acteurs de la formation professionnelle (organismes financeurs, institutions et organismes chargés du conseil en évolution professionnel, CDC en charge du compte personnel de formation, Pôle emploi).
Désormais, le partage d’information est ouvert à de nouvelles catégories de données telles que l’identification du titulaire du CPF, les données relatives à l’action de formation, celles afférentes à l’entrée effective, aux interruptions et aux sorties de formation, aux données relatives au parcours professionnel du titulaire du compte ou encore celles relatives au parcours de formation du titulaire du compte.
5. Lutte contre les prestations de services internationales illégales
Afin de lutter contre les prestations de services internationales illégales, un décret du 5 mai 2017 est venu renforcer un certain nombre de règles, à compter du 1er juillet 2017.
5.1. Obligations des maîtres d’ouvrage, des donneurs d’ordre, et des entreprises de salariés intérimaires
5.1.1. Vérification des déclarations de détachement
Il appartient au maître d’ouvrage de demander au sous-traitant établi à l’étranger, avant le début de chaque détachement de salariés sur le territoire national, une copie de la déclaration de détachement transmise à l’agent de contrôle de l’inspection du travail. La même obligation lui incombe quand son interlocuteur est une entreprise de travail temporaire établie à l’étranger avec laquelle son cocontractant ou son sous-traitant a contracté.
Le maître d’ouvrage est présumé avoir procédé à ces vérifications.
5.1.2. Déclaration d’un accident de travail
La déclaration d’un accident de travail d’un salarié détaché est envoyée à l’inspection du travail du lieu de l’accident, dans un délai de 2 jours. Elle doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires (coordonnées de l’entreprise employant habituellement le salarié, références d’immatriculation, identité de la victime, détail sur les circonstances de l’accident,…).
5.1.3. Déclaration attestant de la connaissance de l’employeur du détachement du salarié
La déclaration attestant que l’employeur a connaissance du détachement du salarié sur le territoire national et des règles qui y sont applicables doit répondre à un certain formalisme et notamment comprendre les coordonnées du représentant légal de l’entreprise de travail temporaire ainsi que celles des travailleurs intérimaires.
Une fois datée et signée par l’entreprise utilisatrice, elle doit être transmise à la DIRECCTE dans le ressort de laquelle s’effectue la prestation, avant le début du détachement.
5.2.Information des salariés détachés
Le décret consacre également un titre à l’information des salariés détachés. Il y est précisé que le salarié détaché en France par une entreprise établie à l’étranger, en vue de la réalisation de travaux de BTP, doit se voir communiquer un document lui présentant la règlementation française de droit du travail applicable (durée du travail, salaire minimum…), ainsi que les modalités selon lesquelles il peut faire faire valoir ses droits.
6. Contribution destinée à compenser les coûts du système dématérialisé de déclaration et de contrôle des détachements de travailleurs et ceux du traitement des données du système
Le montant de cette contribution, due par les employeurs établis à l’étranger et détachant des salariés en France, est fixé à 40€. Elle doit être acquittée par télépaiement sur un site dédié et sera applicable au plus tard le 1er janvier 2018.
7. Dispositions procédurales relatives aux juridictions du travail
Un dernier décret adapte la procédure prud’homale aux nouveautés issues de la loi travail, à compter du 12 mai 2017 : diligences du greffe, régime de révocation de l’ordonnance de clôture, notification à Pôle emploi des jugements rendus en l’absence d’attestation d’assurance chômage, contestations d’éléments de nature médicale devant le CPH… les domaines sont variés, le décret précisant même la procédure applicable, devant le Tribunal d’instance, en cas de recours contre une décision administrative, en matière préélectorale.