CPF

CPF, compte pénibilité, il est urgent… d’attendre. Mais le moment venu, il faudra être prêt !

Pour lancer les Learning Circle, ateliers-événements proposés par Demos aux responsables de la fonction formation, la thématique d’échange retenue était : « Qu’est-ce qui empêche la fonction de formation de dormir en 2014 ? ». Les points abordés lors de ce premier petit-déjeuner de travail étaient d’une part, le fonctionnement du compte personnel de formation (CPF) et le nouveau financement de la formation ; d’autre part, les enjeux juridiques de la loi de décembre 2013 sur la pénibilité et les modalités de mise en œuvre du compte pénibilité.

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Le premier Learning Circle s’est déroulé dans la salle du Conseil de Demos. L’objectif de ce nouveau rendez-vous est d’échanger avec des experts sur des sujets qui concernent et parfois même préoccupent la fonction formation. Ce vendredi 16 mai 2014, les intervenants étaient :

– Jean Wemaëre, président fondateur de Demos, Président de la FFP, négociateur de la loi du 5 mars 2014, s’exprimant sur la réforme de la formation professionnelle et le CPF ;

– Jean-Jacques Ferchal, fondateur du cabinet Ingeneris’K, en partenariat avec Malakoff Mederic, sur la prévention de la pénibilité ;

– Jean-Pierre Cerles, directeur de la formation du groupe TF1, comme témoin du secteur et « poil à gratter » de ce premier Learning Circle ;

– Denis Reymond, Directeur de practice Demos, Expert en Management & Ressources Humaines.

Le point sur la réforme de la formation professionnelle et ses enjeux

Dans son introduction sur la réforme, Jean Wemaere la qualifie comme « la plus structurante et la plus rassurante depuis celle de 1971 ». Il relativise toutefois la fin de l’obligation fiscale. Selon le Président de la FFP, les responsables formation devront désormais :

– d’une part, connaître davantage le capital humain disponible de leur entreprise, le mobiliser, le motiver, le faire évoluer ;
– d’autre part, anticiper les besoins de l’entreprise, mesurer et amortir les investissements formation, développer leurs ROI.

Les trois obligations importantes pour le responsable formation sont donc :

la mise en place de la GPEC avec l’obligation de présenter le plan de formation, de renseigner la BDU à 3 ans pour maintenir et faire évoluer les collaborateurs ;
la mise en œuvre des entretiens professionnels (à 2 et 6 ans) : c’est au Responsable Formation de donner le plus d’appétence possible aux collaborateurs et aux organismes de formation de se remobiliser pour éviter de renouveler l’échec du DIF ;
la création du CPF, dont la gestion sera assurée par la Caisse des
Dépôts. A ce jour, nous ne savons pas encore pour quel type de formation ces heures seront mobilisables. L’Igas et la commission quadripartite de Jean-Marie Marx travaillent sur l’élaboration de la liste de formations certifiantes, qualifiantes, diplômantes. Selon Emmanuelle Wargon (déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle), lors d’une réunion de l’AEF, cette liste devrait être connue fin 2014 et des incertitudes demeurent sur une éventuelle publication des décrets fin juin 2014…

Pour les services formation comme pour les organismes de formation, le challenge de cette réforme de la formation professionnelle est double :

– anticiper les compétences de demain ;
– trouver les formules pédagogiques innovantes adaptées dont les coûts devront être optimisés.

Le point sur la prévention de la pénibilité et le nouveau compte

Puis vient le tour de Jean-Jacques Ferchal de détailler les problèmes liés à la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité, à mettre en place au 1er janvier 2015 selon la loi sur les retraites du 18 décembre 2013.

Ce compte pénibilité est une nouveauté de la réforme. Il permet aux salariés du secteur privé d’accumuler jusqu’à 100 points, en fonction de leur exposition à des conditions de travail pénibles (manutention de charges lourdes – plus de 15 kg, plus de 80 heures/mois -, positions, vibrations, travail de nuit – de minuit à 5h du matin -, proximité d’agents chimiques, températures extrêmes, bruit, etc.).

Selon la loi du 9 novembre 2010 et sous certaines conditions, l’employeur est tenu :

– d’identifier et de prévenir la pénibilité ;
– d’assurer la traçabilité des expositions aux facteurs de pénibilité ;
– de permettre un départ à la retraite anticipé ;
– de conclure un accord ou d’élaborer un plan d’action en faveur de la prévention de la pénibilité.

La loi du 20 janvier 2014 va plus loin en créant un compte personnel de prévention de la pénibilité au 1er janvier 2015.

Ce nouveau dispositif, financé par les entreprises, a pour objectif de permettre aux salariés exerçant une activité pénible de se réorienter – grâce à la formation professionnelle – vers un métier moins pénible ou sans pénibilité, de diminuer leur temps de travail en fin de carrière sans perte de salaire et/ou de partir plus tôt à la retraite (2 ans maximum).

– 1 trimestre d’exposition = 1 point, soit 4 points par année d’exposition
– Plafonnement à 100 points (25 années d’exposition à un facteur et 12,5 années en cas de poly-exposition)
– 10 points pour 1 trimestre de droits ouverts 20 points réservés à la formation professionnelle soit 2 trimestres de droit
– 80 points pour à titre d’exemple pour un départ à la retraite anticipé soit 8 trimestres soit 2 ans

La gestion du compte personnel de prévention de la pénibilité sera assurée par la Cnav et les Carsat dans des conditions fixées par décret.
La pénibilité est une notion difficile à estimer, évaluer, mesurer, expertiser.

La première feuille déclarative devra être remplie par l’entreprise au 31/12/2015, sachant que celle-ci ne reprend pas l’historique (pas de rétroactivité de la pénibilité).

L’employeur devra :

– consigner, sur la fiche individuelle de prévention des expositions, l’exposition du salarié au-delà de certains seuils (conditions de pénibilité, période d’exposition, mesures de prévention) ;
– envoyer chaque année au salarié une copie de la fiche de prévention.

Pour Jean-Jacques Ferchal, l’équité dans les dispositions d’application de cette loi sera fondamentale. Il y a un risque réel de centrer le débat sur la gestion de la réparation, le financement des retraites et les départs anticipés en laissant de côté la prévention de la pénibilité au travail.

Ce ne sont pas les mêmes enjeux, ni les mêmes acteurs, ni les mêmes résultats.

L’éclairage-terrain de Jean-Pierre Cerles

Le grand témoin de cette matinée d’échanges est Jean-Pierre Cerles, professionnel reconnu et apprécié pour ses réalisations et son parler vrai. Selon lui, « il est urgent de ne pas se presser ». Certes, cette réforme de la formation professionnelle allège les allers et retours de financement pour les grandes entreprises, mais une nouvelle complexité est créée quant à l’architecture du CPF… et on peut craindre qu’un système complexe avec de multiples acteurs ne se développe pas de manière très fluide, alors que nous sommes tous conscients des besoins permanents d’apprentissage et de formation.

Les responsables formation …

– devront déployer des trésors d’ingéniosité et de pédagogie pour désormais légitimer leurs budgets auprès des directions générales. « Nous » voulions que la formation soit reconnue comme un investissement…. nous devrons nous comporter en investisseur….
– ne peuvent correctement dessiner les potentialités de financement pour l’avenir sans une clarté sur le contenu des formations éligibles au titre du CPF,
– qui forment des collaborateurs de formations initiales élevées sont les grands perdants de ce nouveau « mercato financier ». En effet ils ne pourront que rarement utiliser les fonds du FPSPP. Par ailleurs nous sommes face à des enjeux de formation rapides sur de nouveaux formats d’apprentissage et des durées courtes, qui ne seront a priori pas financées par les fonds du CPF, qui a d’autres objectifs,
– rentrent dans une refonte plus ou moins importante puisque nous devrons démontrer davantage et à des interlocuteurs différents le lien entre nos réalisations et la valeur générée par celles-ci.

Le CPF est la nouveauté mais, tant que les décrets se feront attendre, « on ne bouge pas » martèle Jean-Pierre Cerles. Il est urgent de ne rien faire ou dire tant que les décrets d’application ne sont pas publiés. Que comprendra ce fameux CPF ? Que du certifiant et diplômant ou également ce que j’appellerais « le mesurant » ? Pour ma part je préconise une approche relativement large mais cadrée par un moyen de mesurer le niveau atteint ou les connaissances acquises. C’est la seule façon d’avoir un système « équitable » dans lequel l’ensemble des salariés peut se retrouver, car il est faux de croire que le seul besoin important d’un salarié en 2015 sera une formation diplômante ou certifiante de 6 mois avec un début des inscriptions dans 4 mois….. Le CPF ne peut pas être une sorte de « CIF light ».

Beaucoup de responsables formations se sont « enflammés » avec la création du DIF, soit ne voulant rien en faire, soit s’emportant dans de nouvelles réponses à des formations à mi-chemin entre les besoins et les envies. Ne reproduisons pas la même précipitation. Les nouveaux dispositifs ne doivent pas créer un voile masquant le cœur de notre mission : répondre à des nécessités d’évolution, et démultiplier les façons d’apprendre en fonction des métiers, des écosystèmes et des ressources de connaissances et de compétences périphériques.

Les entretiens professionnels sont une nouvelle obligation, dont on comprend le fondement, mais qui est légèrement me semble-t-il éloignée de la vitesse de transformation des entreprises. Nous avons une responsabilité pour en faire une opportunité d’échange, à réaliser par les RH, en tout cas pour les grandes entreprises que je connais (c’est un avis personnel), les plus à même de les mener.

Charge à la fonction RH de leur donner du sens, de les rendre cohérents avec le calendrier managérial.

Concernant l’actualité que j’observe dans mon entreprise ou chez mes homologues en dehors du thème de la réforme :

– des responsables formation dans la roue des évolutions rapides et des transformations fortes ;
– une écoute accrue et une proximité aux besoins à tous les niveaux : de la mobilité d’un collaborateur aux projets stratégiques d’un dirigeant ;
– un volume d’heures en légère baisse qui n’est pas à interpréter de manière négative car de nouvelles modalités d’apprentissage voient le jour,
– d’autres formes d’apprentissage qui privilégient l’initiative individuelle, des parcours modulaires, de nouveaux formats, que ce soit en présentiel, en digital, et également par un mix des deux,
– le développement de la notion de partage à travers des échanges de pratiques en utilisant notamment le co-développement.

Les principales questions de l’auditoire

• Quel est l’impact de la réforme sur les OPCA ?
Selon Jean Wemaëre, les OPCA mettent en place une nouvelle offre de services (payants et non payants) et seront donc en concurrence avec les organismes de formation et les cabinets de conseil.

• Les entretiens professionnels devront-ils être assurés par les RH ?

Pour Denis Reymond, tout dépend de la stratégie de l’entreprise. Dans certaines structures où la fonction RH est réduite, ce sera aux managers de conduire ces entretiens, sous réserve d’être formés à cette nouvelle mission. Les OPCA, les organismes de formation ou certains centres de services pourraient également s’en charger. Denis Reymond ajoute que le rôle des Fongecif va évoluer avec la mise en place du conseil en évolution professionnelle (CEP) de même que pour Pôle Emploi, le réseau des missions locales, Capemploi ou l’APEC.

• Le CPF reprendra-t-il les heures de DIF des collaborateurs ?

Pour Denis Reymond, techniquement les heures de DIF ne seront pas reprises dans le CPF. En revanche elles pourront être utilisées en complément des heures sur le CPF, selon des modalités qui seront précisées prochainement.

Pour vous accompagner dans vos pratiques, nous reviendrons plus en détails sur la mise en œuvre de ces deux comptes dès que les décrets seront publiés sur blog, rubrique Responsable Formation.