Responsable formation

CPF et entretien pro dans les (toutes) petites entreprises

​Et si pour une fois, on zoomait sur les enjeux formation dans les petites et même les très petites entreprises. Comment peuvent-elles tirer profit de la réforme de la formation ? Bien plus qu’une couche de contraintes supplémentaires, l’application des textes de la loi du 5 mars 2014 offre de réelles opportunités à saisir. Les 6 défis formation des TPE et PME de moins de 50 salariés, relevés et expliqués par Jean-Pierre Willems, expert ès formation.

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Identifier la large palette de financements dédiés à la formation pour les TPE/PME

 Il n’y a jamais eu autant de financements disponibles pour engager des actions de formation au sein des entreprises de moins de 50 salariés. Au-delà du plan de formation géré obligatoirement par les Organismes paritaires de collecte agréés (Opca) pour les entreprises de moins de 10 salariés, les entreprises de moins de 50 salariés peuvent bénéficier de financements mutualisés. Les Opca ne dépensent généralement pas tous les fonds dédiés aux petites entreprises. Tout projet, présenté par une TPE ou une PME, dès lors qu’il est fondé et argumenté, fait donc l’objet de toutes les attentions. Une partie des financements à portée de main des entreprises de moins de 50 salariés ne sont cependant pas dans leur giron direct. Pour le compte personnel de formation (CPF) notamment, c’est en mettant sur pied des projets coconstruits entre l’entreprise et ses collaborateurs que la mobilisation de financements est maximale. De nombreux salariés, notamment dans les petites entreprises (2), n’ont pas consommé leurs heures de droit individuel à la formation (DIF) sur les six dernières années. En ajoutant les 24 heures qui vont être créditées pour chaque salarié en mars 2016 sur leur CPF aux éventuelles 120 heures de DIF capitalisées, c’est un capital de près de 150 heures de formation qui n’attend qu’à être activé. Soit plus de 18 jours de formation par collaborateur. Avec des taux de prise en charge des Opca pouvant aller jusqu’à 20 ou 100 euros de l’heure (3) pour les formations financés via le CPF, cela représente en moyenne une enveloppe d’environ de 7500 euros, à multiplier par autant de salariés en équivalent temps plein ».
 

Ne plus voir la formation comme un coût, mais comme un investissement

« Mais le premier frein à l’engagement de projets de formation dans les petites entreprises n’est pas à proprement parler financier. C’est le temps disponible qui y est une denrée rare. Toute absence dans une petite entreprise bouleverse l’organisation en place. Dans les TPE, l’appréhension du fait que la compétence appartient au salarié est très forte. Bien plus encore que pour des entreprises de plus grande taille. Le refus de former des collaborateurs par crainte qu’ils s’en aillent se rencontre souvent. Doués de leurs nouvelles compétences, il est craint que ces derniers ne s’en aillent… pour travailler chez un concurrent. Pourtant, n’étant pas à même de proposer des parcours d’évolution de carrière aussi structurés que les entreprises de plus grande taille, les TPE et PME de moins de 50 salariés, ont tout intérêt à considérer la formation comme un investissement. C’est en se formant et développant de nouvelles compétences que le salarié maintient son employabilité. Il voit ainsi clairement son intérêt à s’investir dans l’entreprise, quand bien même elle est de petite taille ».
 

S’inspirer des branches et métiers qui prennent les devants

« Il est des secteurs qui appréhendent de façon proactive le développement des compétences de ses professionnels. C’est le cas pour la branche automobile. Des actions de formation qui s’adressent aux techniciens sont indispensables, quand bien même les bénéficiaires sont dispersés géographiquement. Un accord de branche étendu des services automobiles a instauré une contribution conventionnelle supplémentaire. Elle a pour objet le développement de la formation professionnelle continue (4). Dans d’autres domaines d’activité comme le BTP, la formation est tout spécialement activée dans les périodes de faible activité, ce que propose et encourage par exemple le centre de formation professionnelle de la route ». 
 

Se mettre en quête de formations vraiment adaptées à ses besoins

« L’autre facteur d’inertie, c’est l’impression pour les entreprises de moins de 50 salariés que les formations sur le marché, notamment les formations sur étagères, s’adressent avant tout aux grandes entreprises. Pourtant l’interentreprise permet aux PME, outre de développer les compétences des collaborateurs, de créer du réseau et de travailler à partir de cas pratiques variés. Il n’est pas toujours aisé pour une petite entreprise de construire une formation en intra du fait d’un nombre faible de participants concernés par les mêmes objectifs de développement de compétences. Il est indispensable pour les TPE et PME de moins de 50 salariés d’appréhender les temps de formation comme une opportunité de développer les compétences collectives. Et de penser les parcours en y associant une grande partie des équipes. Les formations à distance, mais accompagnées par un formateur, pour développer les compétences en langues ou en informatique/bureautique, sont également à privilégier pour apporter la bonne réponse, à la bonne personne, à son niveau et à son rythme ».
 

Dépasser la dualité de financements dédiés aux salariés et dirigeants

« Alors que les cadres et dirigeants des entreprises de plus grande taille, sont rattachés aux mêmes Opca que leurs collaborateurs, lorsqu’ils disposent du statut de salarié, la donne est différente pour les petites entreprises. Les financements dédiés à la formation de ces derniers sont gérés par les Fonds d’assurance formation (Faf). Quand un cadre peut facilement mobiliser son équipe en lui envoyant le message “va en formation, celle-ci est particulièrement pertinente, je l’ai suivie”, un chef d’entreprise est bien incapable de faire de même. D’une part, il consacre très peu de temps lui-même à se former lors de temps formalisés à cet effet. D’autre part les financements ne sont pas gérés de la même façon et il est difficile d’organiser des formations en intra en mobilisant les deux sources de financement (Opca et Faf). La seule exception à cette règle de séparation est la branche Pêche pour laquelle ce dernier est intégré à l’Agefos PME. Cette configuration permet de mettre sur pied des projets de développement de compétences transversales entre les chefs d’entreprise et leurs équipes ». 
 

Porter un regard constructif sur l’entretien professionnel… même s’il est obligatoire

« Les entreprises de moins de 50 salariés, ont comme les plus grandes, l’obligation de réaliser tous les deux ans un entretien obligatoire à ses collaborateurs. Et tous les 6 ans, un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. Ce dernier est réalisé sur la base des échanges des entretiens professionnels. La différence avec les entreprises de plus de 50 salariés réside dans la sanction inscrite pour ces dernières dans la loi. En cas de non-réalisation des entretiens professionnels prévus ou s’il est constaté qu’au moins deux des trois actions suivantes sont absentes (action de formation, certification ou VAE, progression), des abondements automatiques du CPF sont prévus dans les entreprises de 50 salariés et plus. Soit 100 heures pour les salariés à temps plein et de 130 h pour ceux à temps partiel. Mais l’absence de sanction dans le texte de la loi pour les entreprises de moins de 50 salariés ne signifie pas que ces dernières disposent peuvent s’affranchir de cette obligation légale. Il est fort à parier que ce vide sera comblé par une décision juge en cas de conflit sur ce terrain ». 
 
« Au final, l’entretien professionnel en particulier, et le développement des compétences en général, ne doit pas être appréhendé de manière défensive. Telle une anticipation des risques juridiques associés. C’est avant tout une approche réactive et agile pour garantir la rentabilité de son entreprise et sa pérennité sur le moyen et long terme. À la différence des grandes entreprises, les processus afférents aux entretiens sont beaucoup plus simples et la gestion des informations qui y sont associées ne nécessite pas de systèmes aussi complexes. Très peu d’outils sont nécessaires, du fait du faible volume de collaborateurs. L’échange porte surtout sur un diagnostic partagé des évolutions du métier exercé et des actions à mener pour garantir de concert la performance de l’entreprise et du salarié ».
 
 
 
 
(1) Article L6332-3-2 du Code du travail
 
(2) Enquête du Cereq « Le DIF : la maturité modeste »
 
(3) Les critères de prise en charge des Opca sur le site du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP)
 
(4) Présentation dans un article de Autos Infos de l’accord de branche qui instaure une contribution conventionne obligatoire.