RH

Entretien professionnel : la Cour de cassation s’en mêle

​Fusionner l’entretien professionnel (obligatoire) et l’entretien professionnel (facultatif) est illégal. C’est la Cour de cassation qui le rappelle fermement, en sanctionnant une entreprise sur ce point. Le contenu de l’entretien professionnel est précisé à cette occasion. On y parle de formation, mais pas seulement. Décryptage par Jean-Pierre Willems, expert Demos.

​​

Découvrir aussi :

Formation

Dessine-moi une formation

Responsable formation

Responsable formation : Comment impliquer les salariés dans le plan de formation?

Réforme de la formation professionnelle

Loi Macron : Quels impacts pour la formation ?

​​Un premier jugement de la Cour de cassation est intervenu sur le sujet de l’entretien professionnel, nouvel outil RH introduit dans le champ des ressources humaines par la loi sur la formation du 5 mars 2014. Cette jurisprudence est l’occasion pour les entreprises de mieux cerner le champ de leurs obligations et d’y confronter leurs pratiques. 
Dans une décision du 6 juillet 2016 (n° 15-18.419) (1), la Cour de cassation apporte deux précisions majeures quant aux obligations des entreprises en matière d’entretien professionnel (2). 
– L’entretien professionnel (obligatoire et à réaliser tous les deux ans) doit clairement se distinguer d’un éventuel entretien d’évaluation (lui facultatif). C’est un rappel de la loi.
– L’entretien professionnel est un temps d’échange sur l’évolution professionnelle du salarié au sens large. Il ne s’agit pas seulement de recueillir les souhaits en matière de formation. Il s’agit là d’une précision apportée au texte de loi.

Le contexte de la jurisprudence du 6 juillet 2016

Après avoir quitté l’entreprise, un salarié se plaint de n’avoir pas bénéficié de cet entretien professionnel obligatoire. L’entreprise fait valoir deux arguments pour exonérer sa responsabilité :
– Le salarié a bénéficié d’un entretien d’évaluation ;
– Le salarié a été formé et toutes ses demandes de formation ont été satisfaites.
Les juges ont écarté ces deux arguments et condamné l’entreprise à des dommages et intérêts. Deux enseignements sont à tirer.

L’entretien professionnel doit être clairement distinct de l’entretien d’évaluation

Le texte de l’article L. 6315-1 du Code du travail (3) était déjà précis sur ce point. La jurisprudence l’a réaffirmé : l’entretien professionnel ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Ce qui signifie concrètement qu’un entretien d’évaluation (ou d’appréciation, ou d’objectifs, etc.) ne peut donc valoir au titre de l’obligation spécifique de mener un entretien professionnel. La Cour de cassation a clairement indiqué que l’échange entre le collaborateur et le manger ou le professionnel RH doit porter sur les perspectives d’évolution professionnelle au sens large, notamment en termes de qualification et d’emploi.
Conseil. Si vous choisissez de réaliser l’entretien professionnel à la suite d’un entretien d’évaluation, il est indispensable de marquer clairement la distinction entre les deux temps d’échange. Un flou en la matière met l’entreprise en difficulté lorsqu’il s’agira de justifier le respect de ses obligations légales.

L’entretien professionnel n’est pas consacré uniquement à la formation

L’article L. 6315-1 fixe les objectifs de l’entretien professionnel, mais le texte ne détaille pas le contenu de l’échange.
Il indique seulement qu’il y est question de l’évolution possible du salarié, tant en matière de qualification que d’emploi.
La Cour de cassation a estimé très précisément que cela ne se résume pas à un recueil des souhaits, ou des besoins en formation.
Conseil. Plus qu’une obligation légale, l’entretien professionnel a vocation à être un diagnostic partagé sur le champ des évolutions possibles. La finalité de la loi est d’amener employeur et salarié à avoir une réflexion anticipée sur les besoins de compétences. L’échange ne peut se résumer au recueil des besoins immédiats de formation. C’est une des raisons pour laquelle, certaines entreprises, minoritaires toutefois, ont décidé de confier l’entretien à la ligne RH plutôt qu’aux managers. C’est ainsi considérer que les professionnels RH sont plus à même d’appréhender la question de l’évolution professionnelle sur le moyen et le long terme, en prenant de la hauteur vis-à-vis des problématiques opérationnelles actuelles.
(2) Il s’agissait dans le cas d’espèce, d’une obligation conventionnelle de faire bénéficier tout salarié d’un entretien professionnel tous les deux ans. La convention collective applicable avait anticipé sur cette obligation, que la loi du 5 mars 2014 a généralisée.
(3) Article L. 6315 du Code du travail