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Intrapreneuriat : l’eldorado des nouveaux leaders

​Entreprendre… tout en restant dans son entreprise, c’est possible ! C’est même le credo des intrapreneurs, ces nouveaux héros de l’innovation. Qu’est-ce qui anime ces électrons libres en quête de projets collectifs ? Comment structurer et accompagner la démarche ? Entretien avec Sabrina Murphy, intrapreneuse et créatrice du People’s LAB, accélérateur d’intrapreneuriat du groupe BNP Paribas.

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​Intrapreneur… qu’est-ce qui se cache derrière ce mot à la mode ?

C’est un collaborateur qui porte un projet dont il est à l’initiative. Il le mène au sein de son entreprise en utilisant les ressources de celle-ci et en tenant compte de ses contraintes.

Quels sont les points communs à ces entrepreneurs collaboratifs ?

Au même titre que les entrepreneurs, ils font preuve d’une forte dose de motivation personnelle. Pour communiquer son enthousiasme pour son projet, il faut savoir aller chercher l’autre, le convaincre et le mobiliser, en suscitant l’empathie. Ces nouveaux leaders définissent leur vision, puis font preuve à la fois de persistance et de flexibilité pour la concrétiser. Comme les dirigeants, ils savent où ils veulent aller, et au fur et à mesure qu’ils progressent, ils ajustent le tir, en fonction des éléments nouveaux et de l’environnement.

Quelle différence avec les entrepreneurs « classiques » ?

Ces personnalités ouvertes et innovantes envisagent de nouvelles façons de faire… mais à l’intérieur du cadre de l’entreprise. Ils doivent tenir compte de la structure dans laquelle ils évoluent, et s’entourer d’alliés au sein même de l’organisation. Cette dimension collective est fondamentale, et ce, quel que soit le mode de mise en œuvre de l’intrapreneuriat : programmes dédiés, au sein ou en dehors de son équipe, création d’une nouvelle structure…

Qu’est-ce qui vous a poussé, à titre personnel, à tenter l’expérience ?

Dans mon parcours, j’ai eu aussi bien des postes « business » que des postes RH. J’ai toujours aimé explorer et me connecter avec des acteurs innovants, avant-gardistes. En 2014, je me suis posé des questions sur mon parcours et mes aspirations. Quel sens travailler pour BNP Paribas avait-il pour moi ? Quelle était ma part de responsabilité, de choix et d’action dans ce que je vivais au sein de l’entreprise ? Avec l’envie de devenir davantage actrice de l’activité du groupe, je suis devenue intrapreneuse, à travers un projet qui, justement, fait de l’intrapreneuriat son objet même.

Comment avez-vous fait avancer l’intrapreneuriat au sein de BNP Paribas ?

J’ai initié le People’s LAB, un accélérateur de projets d’intrapreneuriat, interne au groupe BNP Paribas. Avec trois objectifs complémentaires : renforcer l’engagement des collaborateurs, promouvoir des projets bénéfiques au groupe et développer l’intelligence collective. J’ai façonné le projet pendant 6 mois. 6 mois plus tard, la première promotion d’intrapreneurs sortait de l’accélérateur. Sur le moment, cela m’a paru long, mais en réalité c’est plutôt rapide pour un projet intrapreneurial, surtout quand il est aussi transversal.

Quel est le parcours proposé aux intrapreneurs au sein de BNP Paribas ?

Le parcours débute dès la sélection : les candidats doivent se mobiliser pour démontrer le potentiel de leur projet et leur motivation. Pour engager aussi ceux qui acceptent leur participation. C’est déjà de l’intrapreneuriat. Une fois dans le programme, ils sont accompagnés 1 jour par semaine pendant 4 mois avec un parcours qui les amène à rencontrer des startups, à modéliser leur projet et à pivoter. Mais aussi à travailler leur vision et leur leadership pour incarner véritablement leur projet, ceci en comprenant également mieux le fonctionnement de l’entreprise.
En sortie, ils font comme les startups et pitchent pour obtenir les ressources dont ils ont besoin de la part des investisseurs internes qu’ils ont identifiés. Dans la première promotion, 14 intrapreneurs ont réussi à mobiliser 21 membres de comités exécutifs.

Quels bénéfices l’entreprise retire-t-elle de la démarche ?

L’intrapreneuriat permet à l’entreprise d’élargir ses sources d’innovation, au-delà des structures qui y sont déjà dédiées. Avec le LAB, ce sont potentiellement tous les collaborateurs qui peuvent être moteurs d’innovation. Disposer d’un programme d’accompagnement en interne permet d’accélérer le passage d’une idée à un projet concret. Des idées, il y en a beaucoup, mais pour les faire germer, il faut des méthodes et des conditions propices.

Quel rôle joue l’intrapreneuriat en termes de gestion des parcours professionnels ?

L’année passée, deux intrapreneurs sur les 14 que le LAB a accompagnés ont indiqué qu’ils se questionnaient sur le fait de quitter BNP Paribas, avant d’avoir cette opportunité. C’est donc aussi pour l’entreprise un moyen de garder ses talents et de les remotiver, surtout quand leurs compétences (adaptabilité, agilité, etc.) sont celles de demain. L’intrapreneuriat est aussi une nouvelle forme d’apprentissage, de formation par l’expérience et une initiation à l’autonomie. Quand ils reviennent dans leur équipe, les intrapreneurs partagent ce qu’ils ont appris : méthode, connaissances et comportements.

Côté motivation, que déclenche l’intrapreneuriat ?

Pour le collaborateur, la démarche est porteuse de sens. Elle offre la possibilité de réaliser ce en quoi l’on croit, de mettre en cohérence ses aspirations et son travail, d’avoir de l’impact. Dans mon cas, je crois à la capacité des collaborateurs à inventer l’avenir du groupe. Avec le People’s LAB, j’ai la possibilité de mettre cette conviction en action. Nous avons fait tester le niveau de motivation des participants par une structure spécialisée, dans une approche de benchmark : nous avons trouvé un niveau d’engagement comparable à ce qu’on peut trouver chez Deezer ou Blablacar.

Le quotidien d’un intrapreneur, ça ressemble à quoi ?

C’est passionnant. On avance autant sur soi que sur son projet, on est en mouvement permanent. Un peu comme pour un entrepreneur, ce n’est pas non plus rose tous les jours. Il arrive que l’on soit découragé. Dans ces moments, on mesure l’importance du collaboratif et du réseau. Il faut savoir s’entourer, travailler les uns avec les autres. C’est d’ailleurs une autre vertu de l’intrapreneuriat : il permet de créer des ponts entre des entités et des personnes qui ne se connaissent pas ou ne se fréquentent pas dans leurs missions précédentes. C’est un facteur de décloisonnement de l’organisation.

Quels types de projets avez-vous accompagnés ?

Deux tiers des projets sont liés à l’activité même de l’entreprise : un nouveau produit, un nouveau service, une appli… Un tiers concerne des process, de nouvelles façons de fonctionner, comme des plates-formes de collaboration.

Comment trouver le point d’équilibre entre électron libre et vision collective ?

Avec l’intrapreneuriat, on est dans une démarche typiquement bottom up. Mais il y a un équilibre à trouver avec le top down car les nouvelles activités ont vocation à renforcer la stratégie du groupe. Il faut donc travailler « l’acceptabilité » du projet dans l’entreprise par rapport au business quotidien. On tire, on tire, mais l’élastique ne doit pas lâcher. Il est essentiel, pour y parvenir, d’associer les managers : c’est par eux que va passer le maillage du projet avec l’activité de l’entreprise. Les projets prennent plus facilement vie lorsqu’intrapreneur et manager constituent un duo efficace. Le manager contribue à intégrer le projet à l’activité habituelle de l’entreprise.

RH, Innovation et business font-ils bon ménage avec l’intrapreneuriat ?

Au sein du People’s LAB, nous veillons à associer les trois grandes fonctions : les acteurs RH (incluant la formation et la gestion des talents), les responsables de l’innovation en général, et ceux en charge du business/de la stratégie. En maillant ces trois mondes, on légitime l’intrapreneuriat et on optimise les conditions de son succès. On créé aussi de nouvelles collaborations, on décloisonne.​