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Le prélèvement à la source

​Discuté depuis des années, réannoncé en 2015, confirmé dans la loi de finances pour 2016 et en Conseil des ministres le 3/08/2016, le prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source, déjà mis en place dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE, a donné lieu en France à de nombreux débats. Notre experte en formation juridique et fiscale, Mathilde Ducrocq, vous présente les modalités de mise en œuvre de cette réforme, organisée par l’article 38 du projet de loi de finances pour 2017, et qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2018.

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Quel est l’intérêt de cette réforme ?

Son intérêt principal est de supprimer le décalage d’un an qui existe aujourd’hui entre le moment de perception des revenus et celui du paiement de l’impôt, et qui peut être source de difficultés financières pour les contribuables dont les revenus baissent. 
 
Avec la réforme, les versements pourraient être rapidement adaptés
 
– Le taux serait modifié en cas de changement dans la situation de famille (mariage, PACS, divorce…) ;
– les contribuables pourraient demander à ce que le montant de leur prélèvement soit modulé :
 
-> à la hausse (pour réduire le montant de la régularisation) ;
 
-> comme à la baisse (en cas de diminution de revenus, de naissance d’un enfant,…) sous conditions (différence de plus de 10% et 200 € avec le prélèvement à supporter sans modulation).
 
– aux arrêts d’activité. Les contribuables qui ne sont plus titulaires de revenus ou de bénéfices (BIC, BA, BNC, revenus fonciers, rentes viagères ATO, pensions alimentaires) pourraient demander à être dispensés de la part d’acompte y correspondant.
 
Cette réforme a également pour objectif de permettre une meilleure gestion de la trésorerie des ménages et d’améliorer la lisibilité de l’impôt (difficulté de compréhension du barème progressif, du TMI, du taux marginal,…).
 

Qui serait concerné et pour quels revenus ?

98% des foyers fiscaux devraient être concernés par cette réforme qui vise les traitements et salaires, les pensions, les revenus de remplacement, les revenus des travailleurs indépendants (BIC, BA, BNC) et les revenus fonciers. Les prélèvements sociaux qui y sont rattachés sont également concernés.
 

Comment le taux serait-il fixé et l’impôt prélevé ?

Le taux du prélèvement serait calculé par l’administration fiscale en tenant compte de la situation personnelle des contribuables :
 
-> Pour les traitements, salaires, pensions et revenus de remplacement, le prélèvement prendrait la forme d’une retenue à la source. Son taux serait communiqué à l’entreprise ou à l’organisme versant les revenus, pour qu’ils collectent l’impôt.
 
-> Pour les indépendants, les propriétaires de revenus fonciers, les titulaires de pensions alimentaires et de rentes viagères à titre onéreux, le prélèvement ferait l’objet d’acomptes, mensuels ou trimestriels. Exceptionnellement et sous certaines conditions, les contribuables pourraient demander des reports d’échéances infra-annuelles.
 
Le premier taux de prélèvement serait connu des contribuables au 2nd semestre 2017 puis révisé annuellement en septembre (suite aux déclarations de revenus, qui permettront de faire le bilan des revenus et de la situation des contribuables au cours de l’année, ainsi que la prise en compte des réductions et crédits d’impôts) ou en cours d’année en cas de besoin.
 
Par exception, si le contribuable n’est pas connu de l’administration ou en cas d’option, un taux neutre serait appliqué. En outre, certains contribuables modestes bénéficieraient, sous certaines conditions, d’un régime dérogatoire conduisant à l’application d’un taux nul.
 

Confidentialité avec l’employeur

Relation avec l’administration fiscale
 
La DGFIP resterait le seul interlocuteur des contribuables : elle serait chargée du calcul du taux, de sa communication aux employeurs, et du recouvrement du solde de l’impôt.
 
L’administration ne communiquerait que le taux du prélèvement à l’employeur à l’exclusion de tout autre renseignement. Or ce taux, seul, n’est pas révélateur puisqu’il ne dépend pas seulement des revenus mais également de la situation de famille. 
 
En outre il serait possible de demander :
 
– Pour les couples, une individualisation du taux applicable selon leurs revenus (taux et option calculé et proposé par l’administration) ;
– Pour tous, l’application d’un taux par défaut, calculé sur la base des seuls revenus versés par l’employeur, en réglant parallèlement, au fur et à mesure, un complément d’impôt à l’administration fiscale, au titre de ses autres revenus.
 
Par ailleurs, l’employeur qui manquerait au secret professionnel (divulgation ou utilisation non appropriée du taux) risquerait 5 ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende.
 
Rôle de l’employeur
 
L’employeur serait tenu de récupérer et d’appliquer chaque mois le taux de prélèvement calculé et transmis par la DGFIP (ou le taux neutre), de prélever la retenue sur les revenus des contribuables, puis de la déclarer et de la reverser à l’administration.
 
Il serait ainsi le seul responsable de la collecte et du reversement de ce prélèvement. La déclaration sociale nominative ou son équivalent simplifié pour les petites entreprises permettrait les échanges d’informations nécessaires entre les employeurs et la DGFIP.
 

Qu’est-ce que l’ « année blanche » ?

Les enjeux sur l’année de transition étaient de concilier :
 
– Le besoin pour le Trésor de conserver son niveau de recettes issues de l’IR en 2018 ;
– sans rendre l’impôt confiscatoire pour les particuliers en évitant une double contribution aux charges publiques en 2018 ;
– tout en préservant l’effet incitatif des crédits et réductions d’impôts acquis en 2017.
 
Pour répondre à ces exigences, les revenus non exceptionnels perçus en 2017 (et les prélèvements sociaux qui y sont attachés) seraient annulés par le biais d’un crédit d’impôt ad hoc de modernisation du recouvrement de l’IR. Ce mécanisme permettrait la prise en compte des réductions et crédits d’impôts attachés à des dépenses payées en 2017, lors du versement du solde de l’impôt 2018.
 
En revanche, resteraient soumis à l’impôt  les revenus exceptionnels et les revenus non concernés par le prélèvement à source (plus-values mobilières et immobilières, revenus de source étrangère ouvrant droit à un CI égal à l’impôt français,…) ainsi que les majorations artificielles des revenus de 2017
 
***
 
Le PLF instaure également différentes majorations et amendes en cas de manquement (retard de paiement, modulation à la baisse ne respectant pas les critères, insuffisance de retenue à la source, défaut de reversement des retenues), variant de 5% à 80% des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées, étant précisé que le défaut de versement des retenues effectivement prélevées pourrait en outre donner lieu à des poursuites pénales.