Responsable formation

Les 6 étapes pour organiser une action de formation en situation de travail

La formation pouvait jusqu’alors être réalisée en présentiel ou à distance, ou les deux. Désormais, avec le Décret n° 2018-1341 du 28 décembre 2018, elle peut également être effectuée en situation de travail. La formation associe alors l’expérimentation dans les conditions de travail et des séquences réflexives pour ancrer les apprentissages. Comme pour toute formation, il doit y avoir, à la base de l’action de formation en situation de travail (Afest), une réflexion pédagogique qui identifie des objectifs à atteindre, les moyens pour les atteindre et les modalités d’évaluation. Les explications de Frank Savann, expert sur les thématiques de la formation et du développement des compétences.

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Quand avoir recours à une Afest ?

D’après les premières expérimentations menées, l’Afest est notamment intéressante pour relever les enjeux opérationnels suivants : accompagner les transformations du travail liées au digital, former des saisonniers et réduire l’écart entre le travail réel et le travail prescrit.

Accompagner la transformation technologique ou numérique

L’Afest permet d’intégrer les nouvelles compétences ou de nouveaux outils à adopter en partant du contexte de travail actuel, là où les savoirs s’exercent vraiment, au quotidien. C’est un argument pour convaincre le collaborateur de l’intérêt d’évoluer sur des sujets précis et concrets grâce à une formalisation sur mesure des compétences à acquérir.

Intégrer et fidéliser lors de recrutements massifs

Pour la formation de saisonniers, l’Afest présente l’opportunité de faire monter en compétences un grand nombre de personnes sur une période courte en centrant les apprentissages sur des situations immédiatement rencontrées. C’est un gain de temps potentiel pour créer des pratiques homogènes, et développer la polyvalence opérationnelle.

Formaliser les pratiques et développer les compétences

S’engager dans l’Afest permet d’évaluer et de réduire l’écart entre le travail prescrit et le travail réel. La démarche nécessite en effet d’identifier les compétences requises à partir d’une analyse des situations de travail qui seront organisées dans le cadre de la formation. Or, les activités réelles, additionnelles ou pas, non formalisées dans le Système d’information Ressources Humaines (SIRH) ou d’autres outils, peuvent représenter une proportion significative du travail prescrit. Identifier et formaliser ces pratiques, liées à l’évolution des organisations, participe à un plan de développement des compétences proches des réalités opérationnelles.

Quelles sont les 6 étapes à suivre pour organiser une Afest ?

1- Analyser l’activité de travail

Les compétences visées dans le cadre de l’Afest sont identifiées à partir des situations de travail dont on va analyser les activités. Par exemple, pour les diagnostics obligatoires présents dans le domaine du bâtiment, le technicien apprenant pourra réaliser l’intégralité d’un « diagnostic amiante ».

2- Préparer l’environnement de travail par exemple

Il faut également s’assurer qu’en amont de l’Afest, les conditions sont réunies pour accueillir la formation en situation de travail : intégration dans le calendrier de production, temps dédié à l’apprentissage, sensibilisation de l’encadrement opérationnel partie prenante, espace réservé aux phases réflexives…

3- Désigner un formateur

Un formateur, interne ou externe, doit assurer l’accompagnement du ou des collaborateurs concernés. Il doit être en mesure de montrer, de mettre en situation de faire, de susciter une réflexion et une analyse du vécu, ainsi que d’organiser des temps d’apports plus théoriques à travers les séquences réflexives.

4- Créer des séquences réflexives

Des temps de formation, en présentiel, ou à distance, viennent compléter les étapes réalisées sur le poste de travail. Il s’agit ici d’analyser le vécu et de prendre de la hauteur pour comprendre le contexte, partager des apports théoriques ou ouvrir sur d’autres terrains d’application de la compétence.
L’article 6313-3-2 du Décret n° 2018-1341 du 28 décembre 2018 décrit ainsi les « phases réflexives, distinctes des mises en situation de travail et destinées à utiliser à des fins pédagogiques les enseignements tirés de la situation de travail » : elles « permettent d’observer et d’analyser les écarts entre les attendus, les réalisations et les acquis de chaque mise en situation afin de consolider et d’expliciter les apprentissages (…) ».

5- Évaluer les acquis de la formation

Cette évaluation peut jalonner ou conclure l’action de formation. Elle doit être centrée sur les objectifs pédagogiques fixés individuellement. Cette étape est différente de l’évaluation à chaud de la satisfaction du participant. Elle doit acter de l’acquisition ou non de nouvelles compétences.

6- Administrer les preuves

Pour être reconnue comme une Afest, le déroulé de l’action de formation doit permettre de tracer la réalité des apprenants et montrer les activités de travail qui ont été organisées à des fins pédagogiques. La nature des preuves est définie dès la phase de l’ingénierie des compétences de l’Afest.

Les différentes étapes doivent être consignées, notamment en vue de pouvoir être considérées juridiquement comme une action de formation. C’est la condition pour qu’elle s’inscrive parmi celles qui doivent être proposées aux collaborateurs au minimum tous les 6 ans dans le cadre de l’état des lieux récapitulatif de l’entretien professionnel.

À noter : dans les entreprises de moins de 50 salariés en particulier, le développement de l’Afest entre dans les missions des Opco (ex-Opca). Ainsi, les phases d’ingénierie et d’évaluation bénéficieraient d’une prise en charge financière au même titre que les phases de mise en situation ou réflexive.

Vers un nouveau pacte de formation entre le manager et ses équipes

Formation et poste de travail. Pour un manager, l’Afest a l’avantage de ne pas extraire sur un temps trop long un collaborateur de son poste de travail, ce qui est souvent un frein à la formation, notamment dans les petites et moyennes entreprises.

Alternative aux formations « en salle ». C’est aussi une voie pour amener la formation à des professionnels qui sont réticents à participer à une formation plus classique, « en salle », ou encore via des outils numériques. La montée en compétences peut se faire sans quitter leur environnement de travail au quotidien.

Faire alliance. À l’inverse des formations organisées dans un cadre plus classique, hors du lieu de travail, l’Afest ne peut pas être mise en place sans l’implication de l’encadrement opérationnel dans le développement de compétences de leurs équipes. Il est indispensable de faire alliance pour que tout le monde soit gagnant. La formation devient une composante stratégique de l’atteinte des objectifs de service. Elle est idéalement incluse dans le planning de production du manager.

Un nouveau rôle pour les professionnels RH

La formation perd aussi son côté « saisonnier », lié notamment au calendrier du recueil des demandes de formation. Les différents temps forts s’étalent tout au long de l’année et sortent d’une logique de “prescription” lorsque la formation s’inscrit avant tout dans le cadre administratif d’un processus RH.

Les RH doivent ainsi réfléchir aux conditions d’organisation d’une Afest dont s’approprieraient les managers à chaque fois qu’ils exprimeraient des besoins en compétences dans leur environnement de travail. Un guide de l’Afest à l’usage des managers, ou tout autre kit conçu à cette fin permettrait à l’encadrement opérationnel de gagner en autonomie pour développer les compétences de leurs équipes avec un appui ponctuel des RH.

Au final, la démarche favorisera à terme une réflexion managériale davantage centrée sur le besoin en compétences plutôt que sur le besoin en formation.

Pour aller plus loin, découvrez nos formations Devenez formateur et tuteur AFEST et Mettre en place l’AFEST dans l’entreprise