Le règlement général de l’AMF
L’article 621-1 du règlement général de l’AMF, dans sa version en vigueur au moment des faits, définit l’information privilégiée comme une information précise, qui n’a pas été rendue publique et qui concerne, directement ou indirectement, de(s) émetteur(s) d’instruments financiers et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours des instruments financiers concernés ou qui leur sont liés. Ces conditions sont cumulatives.
Interprétation du demandeur
Partant de cette définition, il est reproché au salarié d’avoir utilisé des notes d’analyses présentant le caractère d’informations privilégiées pour intervenir sur 28 titres, et ainsi d’avoir manqué à ses obligations d’abstention, prévues par les articles 622-1 et 622-2 du règlement général de l’AMF.
La notification de grief retient en effet que les éléments caractéristiques d’une information privilégiée sont constitués en raison :
– du degré de précision des notes, puisque leur diffusion était susceptible de se produire et qu’une conclusion quant à l’effet sur le cours pouvait en être tirée, celles-ci émanant d’une entité dont l’expertise est reconnue par le public ;
– de leur caractère non public, en l’absence de publication de ces recommandations d’investissement ou de communication de celles-ci aux fournisseurs de données de marché ;
– de l’influence sensible qu’elles sont susceptibles d’avoir sur le cours des titres concernés, en raison de la notoriété du bureau d’analyse dont elles émanaient.
Interprétation du défendeur
A l’inverse, le salarié faisait valoir :
– que les dispositions du droit interne ne prévoient pas qu’une note d’analyse financière, élaborée à partir de données publiques, constituent en soit une information privilégiée, a fortiori en l’absence de validation ou de publication par le bureau d’analyse ;
– que ces informations, à défaut de permettre une quasi-certitude de profit pour un investisseur, ne pouvaient être qualifiées de précises ;
– que le critère afférent à « l’influence sensible » requiert une information manifestement favorable ou défavorable ; qui ne saurait être constituée par la simple opinion émise par un analyste financier.
Interprétation de la Commission des sanctions
La Commission des sanctions de l’AMF se prononce en faveur du salarié et refuse la qualification d’information privilégiée à ces notes d’analyse.
Pour cela, elle retient :
– qu’il n’est pas possible d’apprécier la portée de la publication de ces recommandations sur les décisions d’un investisseur raisonnable. En effet, même en admettant que les recommandations d’investissement litigieuses, qui différaient de celles précédemment émises, étaient susceptibles d’apporter de nouveaux éléments au marché, il ne ressort pas du dossier que les notes d’analyse, dont procédaient les recommandations, aient elles-mêmes été publiées ou diffusées ailleurs qu’auprès des abonnés ;
– qu’il n’est pas établi qu’un investisseur raisonnable était susceptible d’utiliser chacune de ces recommandations pour fonder ses choix d’investissements, privant ainsi celles-ci d’une « influence sensible » sur le cours des instruments financiers concernés. La Commission des sanctions rappelle que ce critère s’apprécie in concreto et au regard d’informations disponibles ex ante. Or, en l’espèce, les éléments produits au dossier portaient essentiellement sur une possible reprise du contenu des notes d’analyse par d’autres sites spécialisés, la variation des cours ayant fait suite à ces publications, et assez peu sur la situation du marché préalablement à leur diffusion.
A défaut de remplir au moins l’un des critères cumulatifs prévus par l’article 621-1 du règlement général de l’AMF, la Commission considère que ces notes d’analyse ne peuvent recevoir la qualification d’informations privilégiées.
La Commission des sanctions de l’AMF n’exclut pas, en revanche, que les informations relatives aux changements de recommandation d’investissement ou initiation de couverture puissent, dans un autre cadre, être qualifiées de privilégiées, bien qu’elles reposent sur l’analyse subjective d’un professionnel.
A noter par ailleurs que si le grief pris de la méconnaissance de l’obligation de s’abstenir d’utiliser une information privilégiée n’a pas, en l’espèce, été retenu, le salarié a tout de même été sanctionné pour manquement à ses obligations professionnelles et diffusion d’une fausse information. Il a été condamné à une amende de 100 000 € et à une interdiction d’exercer l’activité d’analyste financier pendant 10 ans.