Gestion - Finance

Nouvelle norme IFRS 15 sur la reconnaissance du chiffre d’affaires : réforme ou révolution ?

​La nouvelle  norme IFRS 15 sur la comptabilisation du chiffre d’affaires a été publiée par le normalisateur comptable international IASB en Mai 2014, après plusieurs années de réflexions et de discussions menées avec les parties intéressées.  Cette norme , commune aux IFRS et aux US GAAP, se substitue aux textes IFRS existants sur le sujet, notamment aux normes IAS 11 et IAS 18.  Elle s’appliquera  de façon obligatoire aux entreprises soumises aux IFRS à compter du 1er janvier 2017. Elle concerne quasiment tous les secteurs de l’économie, industrie et services, financiers et non financiers. Elle remet à plat les modalités de comptabilisation du chiffre d’affaires, notamment en introduisant la notion d’obligation de performance qui devient la nouvelle unité de compte au sein d’un contrat et en gommant la distinction traditionnelle entre biens et services. Notre expert Pierre Savu, associé fondateur d'Accounting Partner, nous expose et nous illustre ci-dessous les principales étapes requises par IFRS 15 pour comptabiliser le chiffre d’affaires résultant de la signature d’un contrat avec un client.

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Etape 1 : Identification du périmètre relatif au contrat

La plupart du temps, cette étape ne pose pas de problème. Néanmoins, dans certains cas, les questions suivantes peuvent se poser :
Quelle est la date à partir de laquelle le contrat doit-être comptabilisé ? normalement, il s’agit de la date à partir de laquelle les parties sont liées par leurs engagements réciproques. En pratique, la norme considère que le contrat existe dès lors que l’une des parties doit verser à l’autre une indemnité de rupture, même lorsqu’aucune des parties n’a commencé à exécuter le contrat, auquel cas la norme impose la fourniture d’une information en annexe
S’ agit-il d’une relation commerciale ou d’une relation de partenariat ? Ainsi, la norme prévoit qu’un client ne peut être celui avec qui on s’associe pour partager les risques et avantages liés au développement d’un produit ou d’une activité, configuration que l’on trouve par exemple dans le domaines des biotechnologies pour développer un nouveau procédé, ou dans le secteur minier ou des hydrocarbures pour partager les coûts de prospection d’un nouveau site. Ces contrats seront donc exclus du périmètre de la norme.
Comment identifier le client ? la réponse n’est pas toujours évidente  lorsqu’il existe un intermédiaire, auquel cas il est nécessaire d’analyser les rôles respectifs des parties prenantes pour savoir si le client est bien l’intermédiaire, ou si ce dernier  n’est qu’un agent qui intervient pour le compte du donneur d’ordre auprès  du client final. Ainsi un fournisseur d’accès internet fera souvent appel à un  intermédiaire pour  délivrer au client final un service, tel que l’exploitation de la  base de données utilisateurs qu’il détient.  En fonction du  degré d’exposition  de l’intermédiaire aux risques et avantages économiques de la relation avec le client final – liberté de fixation du prix, exposition en cas de défaut de paiement-  ce dernier sera considéré  comme un agent du fournisseur d’accès ou comme son client.

Etape 2 : Identification des obligations de performance distinctes

Cette étape constitue une nouveauté importante par rapport à la pratique existante qui s’appuie sur le contrat comme « unité de compte ». A contrario, selon la nouvelle norme,  Il convient de déterminer s’il existe plusieurs obligations de performance devant être comptabilisées distinctement au sein d’un même contrat. Cette analyse s’articule notamment sur la possibilité que le bien ou le service sous-jacent à l’obligation de performance fasse l’objet d’une transaction ou d’une utilisation autonome, et sur le degré d’interdépendance entre les différentes obligations de performance.
Ainsi, dans le secteur télécom et média, la vente d’un appareil – terminal ou boîtier décodeur – subventionnée par un abonnement de communication ou d’accès  à un bouquet audiovisuel devra désormais être décomposée en 2 obligations distinctes, ce qui conduira à anticiper la reconnaissance du chiffre d’affaires sur la base du prix de marché de l’appareil pouvant être vendu séparément. De même dans le secteur des biens d’équipement ou des logiciels, les garanties souvent proposées conjointement – et parfois gratuitement –  à  la vente du bien devront être analysées pour déterminer s’il s’agit de garanties usuelles de conformité ou de services complémentaires – entretien, mise à jour, assistance technique – qui devront alors être comptabilisés séparément. A contrario, une vente de logiciel combinée  à un service  d’intégration à l’environnement informatique spécifique d’un client sera comptabilisée  comme une seule et même obligation de performance compte tenu de l’imbrication étroite entre les 2 prestations.

Etape 3 : Détermination du prix de la transaction

Le prix de la transaction devra tenir compte notamment des éléments suivants :
Les commissions non remboursables reçues du client à l’origine. Ces montants pouvaient jusqu’ici dans certains cas être reconnus immédiatement comme des revenus. Désormais, ils sont considérés comme des acomptes, devant être étalés sur la durée de la réalisation de la prestation. C’est le cas par exemple des droits d’entrée  dans des clubs de loisirs,  ou de la refacturation par une banque à son client de frais de mise en place d’une opération ou de constitution d’un dossier.
Les composantes conditionnelles du chiffre d’affaires :  ce sont des composantes  indexées sur une variable et  générées  à une date future. Ces composantes variables peuvent être positives (bonus, prime de succès, droits non exercés par les clients) ou négatives (rabais, concession tarifaire, droit de retour). Elles sont désormais intégrées dès l’origine dans le prix et évaluées  soit à la « valeur attendue », par exemple dans le cas  d’un portefeuille de biens identiques et de faible valeur unitaire (ex : secteur des biens de consommation), soit à la valeur la plus probable lorsque l’échantillon est insuffisant ou les scénarios peu nombreux (ex : secteur pharmaceutique). Cette approche peut impliquer une reconnaissance anticipée de revenus lorsque la composante variable est positive : clause d’ajustement du prix de vente d’un commerce en fonction des ventes futures, prise en compte  anticipée dans les revenus des droits non exercés par les clients, tels que des tickets d’alimentation, des coupons de réduction  ou des miles aéronautiques. Cette anticipation du revenu est néanmoins conditionnée à l’existence d’une forte probabilité de survenance, fondée sur des données historiques fiables et récurrentes. Ainsi, un gestionnaire d’actifs, rémunéré pour partie à la performance qu’il génère, ne pourra reconnaître cette composante de rémunération qu’au dernier moment compte tenu de l’incertitude liée à la volatilité des paramètres de marché.  De plus, par exception à la règle générale, les redevances variables liées à la propriété intellectuelle, fondées sur l’utilisation ou les ventes aux tiers, ne pourront être reconnues en résultat qu’au fil de l’eau même si leur probabilité d’existence est élevée dès l’origine.

Etape 4 : affectation du prix de la transaction aux différentes obligations de performance

Cette étape n’existe que lorsque plusieurs obligations de performance distinctes ont été identifiées lors de l’étape 2. Lorsque chacune des obligations de performance est dotée d’un prix de vente observable, l’affectation se fait au prorata de ces prix observables ; par exemple pour distinguer le prix d’un terminal  de celui d’un abonnement, le prix d’un produit industriel de celui de son transport et de son assurance, ou encore le prix de chacune des composantes d’un « package » vendu par un tour-opérateur  telles que le transport, l’hébergement, ou la réservation d’un guide touristique.  Cette affectation sur la base des prix observables ne recoupe pas toujours la répartition réalisée dans le cadre de la facturation, ce qui peut impliquer une évolution par rapport à la pratique actuelle.
Cet exercice d’affectation est plus complexe lorsque certaines composantes, bien que distinctes,  n’ont pas de prix de vente observable. Il convient alors d’utiliser des techniques d’estimation, telle que le « cost plus » ou une méthode d’affectation résiduelle à partir du prix de transaction total, diminué de la somme des prix de vente observables. C’est par exemple le cas d’une vente de logiciel couplée à un service de mise à jour et d’assistance technique, alors qu’aujourd’hui, l’absence de prix de vente observable ou de facturation distincte pour chacune de ces composantes  implique le plus souvent une reconnaissance non différenciée de la prestation globale « bien + service ».

Etape 5 : Comptabilisation du chiffre d’affaires en résultat

La norme prévoit que le chiffre d’affaires peut être reconnu en résultat lors du transfert du contrôle du bien ou du service au client. En pratique, 2 situations sont possibles : soit le contrôle est transmis à une date précise, soit le contrôle est transmis en continu. Cette distinction ne recoupe qu’en partie l’ancienne distinction entre biens et services. Par ailleurs, le transfert du contrôle se substitue au transfert des risques et avantages économiques comme fait générateur de la reconnaissance du chiffre d’affaires. Les conséquences de ces évolutions  peuvent être notamment illustrées comme suit :
– Les revenus des contrats à long terme, que l’on trouve fréquemment dans le secteur de la construction ou de l’ingénierie, sont aujourd’hui  reconnus soit à l’avancement, soit à l’achèvement. Demain, le curseur entre ces 2 méthodes sera notamment conditionné par le critère de transfert du contrôle (par ex en cas de construction sur sol d’autrui), ou par l’existence d’un droit à paiement exécutoire auprès du client à hauteur des prestations déjà réalisées, même s’il n’y pas encore de facturation, si les jalons prédéfinis ne sont pas atteints, ou si le contrat peut être résilié avant son terme pour des raisons autres que la non-exécution de la prestation promise.
– Dans l’industrie, les produits font souvent l’objet d’un transfert de propriété antérieur à la livraison, qui est l’échéance  jusqu’à laquelle le vendeur reste exposé à certains risques tels qu’une défaillance du transporteur. Selon la norme, la reconnaissance du chiffre d’affaires pourra désormais être anticipée à la date du transfert de propriété, avec comme contrepartie l’obligation  d’affecter une partie du prix global aux prestations de transport et d’assurance dont la reconnaissance en revenus sera donc différée. Ce changement d’approche s’applique notamment aux revenus des transactions à l’export,  régies par les clauses dites « incoterms » telles que le « FOB » ou le « CIF » spécifiques au transport maritime.
– Le cas des licences de propriété intellectuelle. La comptabilisation des licences est l’un des points les plus novateurs de la norme et concerne notamment le domaine des  logiciels et technologies,  des œuvres cinématographiques, et musicales et autres créations pour les médias et le spectacle, des franchises , ainsi que des  brevets, marques de commerce et droits d’auteur. Les licences sont désormais réparties en 2 catégories : celles qui procurent un droit d’accès à la propriété intellectuelle et celles qui procurent un droit d’utilisation de celle-ci. Cette distinction est une traduction opérationnelle de la notion de transfert du contrôle. Ainsi, lorsque la licence est un « produit en développement », faisant l’objet d’une gestion dynamique par le vendeur dont le client bénéficie  en temps réel, le vendeur  octroie à son client un droit d’accès à la licence et comptabilise les revenus de celle-ci au fil de l’eau : lorsqu’il s’agit par exemple de développer la notoriété d’une marque, d’investir dans la recherche-développement pour un nouveau médicament,  d’améliorer la compétitivité d’une équipe sportive, ou d’ actualiser régulièrement les fonctionnalités d’une application informatique.  A contrario, lorsque le la licence est un « produit fini » géré de façon statique, par exemple un brevet d’un procédé arrivé à maturité, un logiciel fonctionnant  sans avoir besoin de mises à jour permanentes, ou une marque déjà installée sur le marché, le vendeur octroie à son client un droit d’utilisation de la licence et comptabilise le revenu à la date de transfert à son client. Ce deuxième cas risque néanmoins d’avoir une portée pratique réduite du fait de la contrainte de reconnaissance au fil de l’eau des redevances de propriété intellectuelle indexées sur l’utilisation ou les ventes à un tiers, qui sont une modalité courante de rémunération des licences.
Bien d’autres thématiques sont abordées par la norme, telles que la comptabilisation des modifications de contrats, celle des options pour acquérir des biens et services additionnels, ou encore les conditions d’activation des coûts d’obtention et d’exécution des contrats. L’une des préoccupations les plus souvent exprimées par les sociétés concerne l’augmentation significative des éléments à produire en annexe aux comptes, telles que la liste des obligations de performance subsistant à la clôture, ce qui pose à la fois des problèmes de confidentialité  – dévoilement d’informations sensibles relatifs aux carnets de commande – et d’adaptation des systèmes d’information.
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