A/ Valeur de rachat et régime matrimonial
Les interventions de Me Sylvie Lerond et Grégory Dumont, Avocats CMS Bureau Francis Lefebvre, ont porté sur plusieurs problématiques relatives à au traitement de la valeur de rachat dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial (voire de la fin du pacs).
1/ Un point important était le sort des contrats non dénoués souscrits par un époux marié en régime de communauté.
Si l’intégration de la réponse ministérielle CIOT dans le bofip semble une avancée par rapport à la situation instituée par la réponse Bacquet, il est nécessaire de réfléchir aux modalités d’application de l’avantage que les enfants et le conjoint pourraient y trouver. En effet, la non prise en compte de la moitié de la valeur de rachat du contrat non dénoué dans l’actif successoral taxable est certes acté au premier décès, mais que se passe – t-il au décès du conjoint survivant ?
Rappelons d’abord les errements successifs du législateur du point de vue du traitement fiscal de la valeur de rachat des contrats non dénoués
– d’abord l’administration fiscale opère des rectifications sur la base de la jurisprudence Praslicka,
– puis, le ministre de l’Economie admet une tolérance consistant à ne pas imposer la moitié de la valeur de rachat des contrats non dénoués aux droits de succession lorsqu’ils sont souscrits au profit du conjoint décédé (Lettre Ministérielle 27 juillet 1999 / RM Vasseur 8/11/99) dans un souci de neutralité fiscale par rapport au régime des contrats dénoués au premier décès
– Une deuxième vague (notamment RM Marsaudon 19 11 2001) fait évoluer la position de l’administration en précisant qu’elle se bornera à tirer les conséquences des parts civiles déclarées par les héritiers aux motivation peu claires (éviter les demandes de restitution ?) qui semble suggérer qu’en droit civil les héritiers peuvent choisir la qualification propre ou commune d’un bien ;
– Ensuite, toujours en se concentrant – à tort – sur le seul traitement du conjoint et en raison de la loi TEPA supprimant les droits de succession entre conjoints, la fin de la tolérance fiscale conclue par la RM Bacquet (29 06 2010) dont l’effet est une double imposition économique (deux taxations différentes donc non bis idem ne s’applique pas) à l’encontre des enfants.
– Enfin, le feuilleton de la Réponse ministérielle Ciot : d’abord un communiqué de presse du 12 janvier, puis une réponse ministérielle Ciot (23/02/2016) et enfin l’intégration dans le BOFIP (en date du 31 mai 2016) d’un traitement fiscal satisfaisant : « pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2016, la valeur de rachat d’un contrat d’assurance-vie, souscrit avec les deniers communs et non dénoué lors de la liquidation d’une communauté conjugale à la suite du décès de l’un des époux, n’est pas, au plan fiscal, intégrée à l’actif de la communauté conjugale lors de sa liquidation, et ce quelle que soit la qualité des bénéficiaires désignés. Elle ne constitue donc pas un élément de l’actif successoral pour le calcul des droits de mutation dus par les héritiers de l’époux prédécédé »
Les conséquences
Pour les successions ouvertes avant le 1er janvier 2016 : il peut être envisagé plusieurs pistes dont la déduction d’une dette de récompense dans la succession de l’époux prédécédé, le rachat du contrat ou le partage de la communauté entre les deux décès, ces deux solutions entrainant des frais et taxations diverses) ou la déduction d’une dette dans la succession du conjoint survivant (mais avec l’incertitude sur la déductibilité appréciée par l’administration fiscale). Certaines de ces solutions (le partage ou la déduction de la dette) sont également envisageables pour acter l’exonération fiscale dont a bénéficié la moitié de la valeur de rachat (intégré dans l’actif successoral du conjoint premier décédé au plan civil, mais conservé par le conjoint survivant)
2/ Une autre question s’est posée : celle du traitement lors de la liquidation d’un mariage ou d’une union (PACS) des primes versées par un des conjoints (au sens large) si elles proviennent d’un compte commun (en cas de séparation de biens, il s’agit quand même d’une présomption d’indivision), ou même d’un compte personnel si pacs avant 2007 (indivision).
Un premier conseil à l’intention des organismes d’assurance : demander l’accord des deux conjoints (au sens large : marié ou pacsé) pour la souscription, mais quid du rachat, de l’arbitrage, du nantissement…
Egalement, comment régler la situation en cas de divorce, de décès du conjoint non assuré (ni souscripteur) voire du décès du conjoint assuré ?
Doit être comptabilisé dans l’actif revenant au conjoint non souscripteur (ou sa succession) :
– Soit une quote part indivise égale à la moitié de la valeur de rachat si la valeur de rachat est indivise ;
– Soit un droit de créance égal à la moitié des primes versées si la valeur de rachat appartient personnellement au conjoint souscripteur.
Alors que la jurisprudence est encore appelé à statuer sur un simple rappel du L 132-16 C Ass, notamment sur le fait que le bénéfice d’une assurance vie, contractée par un époux commun en biens reste un propre de l’époux bénéficiaire, même si les primes ont été payé avec les fonds de la communauté, le pendant de ce dispositif (l’art L 132-16 C Ass), est loin d’être encadré par les praticiens de manière satisfaisante
3 / Enfin, nos intervenants ont présenté les enjeux de la co-souscription décalée dans le temps d’un contrat d’assurance vie avec dénouement au second décès avec les conséquences de l’arrêt de la Cour de cass Civ 1ere du 19 mars 2015, sous condition de réserver cette pratique aux époux mariés sous le régime conventionnel de communauté (avec attribution intégrale ou clause de préciput). Un de leurs conseils a été de prévoir dans les conditions générales du contrat d’assurance la possibilité d’une co souscription et l’absence de novation résultant d’une co souscription décalée dans le temps. En effet, la réforme du droit des contrats apporte quelques modifications sur la notion de novation (notamment la preuve par tout moyen de la volonté ou de l’absence de volonté)
B/ Le dénouement de l’assurance vie et le droit successoral
L’intervention de M Michel Leroy, Maitre de conférence à l’Université de Toulouse I Capitole, Responsable du master Ingénierie du patrimoine, portait sur les problématiques relatives au dénouement du contrat d’assurance vie par décès et plus précisément sur les effets des clauses bénéficiaires.
Après un point sur les primes manifestement exagérées et notamment leur imputation en qualité de donation (l’ordre ? si non héritier …) Michel Leroy a présenté toutes les situations sous un angle à la fois pratique que sous un angle d’expertise juridique tant sur le droit des successions que sur le droit des assurances :
Sur le thème de la sécurisation de la clause bénéficiaire
– Faut-il mettre mes enfants ou mon / mes enfant(s) ?
– L’intérêt de mettre mon conjoint non divorcé
– Les risques de désigner comme bénéficiaires « mes héritiers » ou « mon partenaire pacsé »
– La clause démembrée
– La clause à option
Mais aussi, dans le cadre d’une stratégie visant à éviter la stipulation pour autrui (et ses limites) :
• En présence de bénéficiaire tels que les petits enfants, ne faut-il pas mieux, s’ils viennent en représentation de leur parent décédé, supprimer la clause bénéficiaire ?
• Comme dans certains cas où le conjoint est héritier réservataire (et bénéficiaire de contrat d’assurance vie représentant une partie importante du patrimoine de l’assuré), si l’assuré veut gratifier des héritiers non réservataires (neveux)?
En conclusion de cette journée riche et intense, il est certain que les enjeux autour de la patrimonialité de l’assurance vie sont nombreux et complexes (primes manifestement exagérées, récupération des aides sociales, saisissabilité des contrats d’assurance). La valeur de rachat, notamment, attire toutes les attentions, dont la dernière, et non la moindre, est d’autoriser le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) lorsque cela est nécessaire pour préserver la stabilité du système financier de « suspendre, retarder ou limiter, pour tout ou partie du portefeuille, le paiement des valeurs de rachat, la faculté d’arbitrages ou le versement d’avances sur contrat. » (projet de loi Sapin II)
Demos peut vous transmettre les actes sur demande (prix selon devis). Compte tenu des évaluations extrêmement positives des participants, il est probable qu’un séminaire de ce type sur une analyse en profondeur de certains points juridiques ou techniques soit organisé courant février 2017.