Informatique

Recruter des développeurs : un challenge impossible ?

​La chasse au développeur fait rage. Start-ups, grands groupes et pure players cherchent à charmer les as des langages Ruby, Scala ou encore C++. Mais les appâter ne suffit pas, encore faut-il leur proposer un environnement de travail dans lequel le challenge est roi. Disons-le tout net, en matière de sourcing des professionnels du code, il n’existe pas de formule magique. Mais des bonnes pratiques, si. Jean-Marie Caillaud, talent acquisition manager d’Ippon et Nicolas Galita formateur en sourcing et recrutement social pour Link Humans partagent les leurs.​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​​

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32 % des développeurs disent être contactés au moins une fois par semaine par un recruteur d’après une étude menée par Stackoverflow (1). Et 57 % souhaiteraient être moins contactés. « Le rapport de forces est inversé, qu’il s’agisse des développeurs de front ou back end, affirme Nicolas Galita, formateur en sourcing et recrutement social pour Link Humans. La situation de plein emploi sur ces compétences est telle que ce sont eux qui recrutent leur employeur. Et démissionner n’est alors pas un souci lorsque l’on est quasiment assuré de retrouver un emploi le jour qui suit ». Au-delà de l’étape du recrutement, s’assurer en permanence que les missions confiées répondent aux attentes de ces férus de travail est un passage obligé.

Fréquenter leurs réseaux préférés

À la différence d’autres professions, le réseau social LinkedIn est bien loin d’être l’endroit où tout se passe. « Les développeurs n’y ont pas tous un profil. S’ils en ont un, il est peu renseigné, constate Nicolas Galita. Les approches par la messagerie LinkedIn sont largement perçues comme du spam, car trop nombreuses pour attirer l’attention ». C’est dans des contrées méconnues du tout-venant que se jouent les indispensables préludes à une future collaboration possible. Github est l’un de ces points de rendez-vous en ligne, où tout un chacun partage des morceaux de code en open source. Stackoverflow, fondé sur l’entraide, en est un autre. Cet esprit de communauté est bien compris par les plateformes de recrutement spécialisées. Jobprod emprunte les codes du gaming en promettant des offres profilées à partir d’un test technique en ligne. Là où Breaz ou Talent.io joue la carte d’une hyper sélection des entreprises qui recrutent pour ne mettre en relation les développeurs que sur des profils qui leur correspondent.

Investir dans l’événementiel

Mais la vraie rencontre se joue largement en dehors de ces sphères virtuelles. Aux rencontres Meetup, les développeurs viennent tester les dernières nouveautés de leur technologie de prédilection et se challenger entre pairs. « Nous organisons régulièrement nos propres conférences techniques pour échanger avec la communauté des développeurs, indique Jean-Marie Caillaud, talent acquisition manager d’Ippon. Cela nous permet de rencontrer des passionnés qui ont les mêmes centres d’intérêt que nous. Nous ne sommes pas là pour parler de recrutement, mais pour découvrir des personnes et passer un bon moment autour de la technique. Quand un développeur partage nos valeurs et notre vision du code, le recrutement vient dans un deuxième temps et se fait plutôt naturellement ». C’est d’ailleurs en proposant des challenges à relever, sous la forme de jeu ou d’événement, que les recruteurs sont les plus à même de se faire repérer à l’image du Codingame ou des événements Bemyapp. Offrir des places pour les grandes messes du coding, tel que Devoxx, dotConferences ou API Days, est aussi une stratégie gagnante. « Il ne suffit pas de sponsoriser des événements techniques, même si la communauté apprécie le geste. Il faut surtout avoir une crédibilité pour y participer, et que vos experts techniques soient retenus pour présenter des conférences et montrer ce sur quoi vous travaillez, suggère Jean-Marie Caillaud. Nous soutenons avec un réel accompagnement toutes les initiatives de ceux dont l’expertise pourra conduire à vouloir devenir speakers : on offre à nos collaborateurs notre vitrine et ils en deviennent les ambassadeurs ».

Viser l’échange qualitatif

« La question à se poser en tant que recruteur, quel que soit le lieu, c’est « qu’est-ce que j’ai à apporter à cette personne ? » rappelle Jean-Marie Caillaud. C’est une chose de trouver des profils, c’en est une autre de susciter leur intérêt et de leur donner envie d’entamer la discussion. Ce qui fait la différence, c’est l’attention sincère portée par le recruteur à ce qui peut les motiver sur un projet de développement : quels défis à relever, quelles méthodes de travail, quelle immersion dans la communauté technique ? ». Pour allumer la flamme de votre interlocuteur, rien de plus déterminant que de définir très finement le besoin technique et de l’exprimer avec envie et conviction.

Ne pas se focaliser sur le diplôme

En matière de développement informatique, le culte du diplôme n’est pas de mise. « Comme en mathématiques, la compétence est transparente. On est capable ou l’on n’est pas capable d’apporter une solution qui fonctionne et tient la route sur le long terme, rappelle Nicolas Galita. Les diplômes des grandes écoles ont leur place à prendre comme les autres, mais pas plus que les autres ». Le poids du diplôme est cependant plus important en France, qu’ailleurs dans le monde. 41 % des développeurs sont autodidactes tous pays confondus, mais seulement 34 % en France (1). Quel que soit le diplôme, il est de toute façon soumis à un processus de péremption ultra-rapide. « Les langages évoluent en permanence, de nouveaux apparaissent, pointe Jean-Marie Caillaud. Donc la formation initiale est très importante pour un jeune diplômé, mais cette importance s’estompe avec les années de pratique. La curiosité et le souci d’amélioration continue dans le travail sont des qualités essentielles que tout développeur doit posséder s’il veut pouvoir se positionner sur des projets innovants. Le CV est loin d’être central dans le processus de recrutement, la décision se prend à partir de preuves concrètes de l’expertise proposée. C’est moins le titre de la fonction précédente qui compte que les tâches réelles réalisées, le rôle précis dans le projet ainsi que les méthodes de travail de la structure, notamment en termes d’agilité ».

Relativiser le salaire

Quand bien même la rémunération est un critère de décision. Il n’est pas le principal. Pour un ingénieur développement PHP, Java, JEE, C++ ou .NET, l’étude Robert Half (2) prévoit pour 2016 une fourchette de rémunération annuelle entre 42 000 et 72 000 euros. Pour un ingénieur développement mobile, Android, iOS ou Windows, elle sera de 41 000 à 60 000 euros. D’après l’étude Stackoverflow (1) la rémunération moyenne est en France de 47 000 euros. Ce sont les langages Ruby et C# qui font l’objet des meilleures rémunérations alors que, Java et PHP sont en bas de tableau. Outre le montant du salaire annuel, des solutions créatives sont à envisager comme un intéressement au chiffre d’affaires ou la prise de part dans le capital de l’entreprise, principalement pour les start-ups. « Un développeur n’hésite nullement à quitter une entreprise qui ne reconnaît pas sa compétence ou le cantonne à un rôle d’exécutant, insiste Nicolas Galita. Il préférera rejoindre une start-up qui à défaut de rémunération élevée, garantit de jouer un rôle dans l’avènement ou l’évolution de la solution proposée au marché. »

Ancrer l’engagement sur le long terme

L’engagement des développeurs est décuplé lorsque l’entreprise joue la transparence sur la manière de mener les affaires. Tant au moment du recrutement, en ne gonflant pas les ambitions annoncées, que dans la collaboration par la suite. Impliquer les développeurs comme les autres collaborateurs dans la manière d’organiser le travail est important. Fixer des objectifs à atteindre plus que des horaires à respecter recueille davantage l’adhésion. La liberté de pouvoir s’organiser à sa guise est, plus encore que pour d’autres professions, un gage d’efficacité. Être en mesure de choisir son matériel informatique comme son système d’exploitation n’est pas un détail pour ces accros de la technique. « Permettre aux développeurs de proposer des projets R&D, déconnectés des développements en cours, est également un gage d’innovation et d’engagement, explique Jean-Marie Caillaud. Il faut savoir adopter un fonctionnement de lean startup au sein de l’entreprise et capitaliser sur les idées de ses collaborateurs et savoir leur donner du temps pour les réaliser ».

Offrir des perspectives adaptées

Recruter un développeur, l’affaire n’est pas simple, le garder sur le long terme l’est encore moins. « La première passion d’un développeur, c’est de coder, réaffirme Nicolas Galita. Le réflexe de les faire évoluer au terme de plusieurs années d’expérience sur des postes de chef de projet est une vraie prise de risques avant tout dictée par un calcul financier. Aux États-Unis, il n’est pas rare qu’un développeur expert ait une rémunération supérieure à celle de son manager. C’est une option encore peu explorée en France où l’évolution salariale rime souvent avec la prise d’une fonction de management plutôt qu’avec l’approfondissement d’une expertise ». Un entre-deux est possible. « Lorsque l’on travaille sur des sujets très pointus et innovants, il est nécessaire que le chef de projet garde les deux mains dans la technique, confirme Jean-Marie Caillaud. Pour autant, on commence aujourd’hui de notre côté de l’Atlantique à valoriser davantage les développeurs experts, ceux qui travaillent véritablement dans une logique de software craftmanship : des artisans du code ».

S’il ne fallait retenir qu’une chose. Qu’importe le design du bureau sur lequel poser son ordinateur, les ​horaires déstructurés autorisés, les petits arrangements en termes de look ou encore le menu fooding de la cantine… pour un développeur, c’est le challenge technique qui prime. L’ennui est l’ennemi absolu.

(1) L’étude de Stack overflow a été menée en 2015 dans 157 pays avec des chiffres consolidés pour chacun d’entre eux.

(2) L’étude des rémunérations 2016 réalisée par le cabinet Robert Half se base sur les montants fixes bruts moyens observés à Paris et en Ile-de-France. Les bonus, primes, participations, intéressements et avantages ne sont pas pris en compte. La page 36 est consacrée aux professionnels des systèmes d’informations et au développement informatique.

Vous ne parlez pas le langage développeur ?​

Back end : c’est la structure sur laquelle repose le projet.
Front end : c’est le développement dédié à la partie visible du site web ou de l’application.
Full stack : terme recouvrant les deux versants d’un projet de développement : le front end et le back end.
Langages de programmation. Florilèges non exhaustifs : PHP, Python, Java, Ruby, Scala, C++…
Open source : développements informatiques pour lesquels le code est ouvert et accessible à tous.

Ippon est un cabinet de conseil sur les technologies web, mobile, cloud et big data. 220 experts y travaillent dans le monde à Paris, Bordeaux, Nantes, Washington, New-York, Richmond et prochainement en Australie. Ippon a inauguré le 31 mars sa nouvelle plateforme de coding pour challenger les développeurs Java : ippon.fr/concours

Link Humans est un pôle de compétences entièrement dédié au recrutement et au sourcing. Outre la plateforme de ressources #TruAcademy, inaugurée en 2015, Link Humans est l’organisateur depuis 2012 des événements #Tru​ (The recruitement unconference) qui se déroulent dans la France entière.