La question du travail au sein de la fonction publique
Cette question relève du paradoxe : d’un côté, les fonctionnaires semblent à l’abri des phénomènes qui, selon les salariés du secteur privé, dégradent leurs conditions de travail. De l’autre côté, la fonction publique apparaît comme l’une des catégories les plus touchées par la souffrance au travail.
De ce paradoxe, deux conclusions pourraient être tirées : soit les fonctionnaires sont plus sensibles que les autres à leurs conditions de travail et sont, par nature, moins résistants que les salariés du secteur privé, soit il existe des phénomènes spécifiques à la fonction publique, de nature à dégrader les conditions de travail et à amplifier la souffrance au travail.
Des fonctionnaires moins exposés à la souffrance ?
De toutes les causes de la souffrance au travail exprimées par les salariés du secteur privé, nombreuses sont celles qui n’affectent pas, a priori, les agents de la fonction publique. Qu’il s’agisse de la pression exercée par le client, des rythmes de travail et des changements de processus imposés par l’actionnaire lointain ou encore de la précarité du contrat de travail, aucun de ces phénomènes ne peut affecter le travail du fonctionnaire.
Ce dernier en effet ne connaît pas de client mais seulement des usagers, des contribuables ou des administrés, il n’a pas affaire à l’actionnaire capitaliste mais à l’Etat-Providence. Surtout, l’agent titulaire de la fonction publique ne connaît pas la précarité de l’emploi, qui est l’une des causes de la souffrance des salariés du privé comme nous l’avions vu dans le précédent article de notre experte en formation santé au travail.
Une souffrance spécifique ?
Dès lors, il serait aisé d’accuser les titulaires de la fonction publique, lorsqu’ils expriment leur souffrance, d’avoir des réactions d’enfant gâté. En réalité, les choses ne sont jamais aussi simples.
Certes, les fonctionnaires ont été à l’abri de l’ « orientation client », nouveau dogme de l’entreprise, mais ils ont subi de plein fouet la révolution copernicienne entreprise par l’Etat dès les années 1990, au moment où l’usager prenait la place de l’administration au cœur du service public.
Certes, les fonctionnaires sont à l’abri des pressions parfois exercées par les fonds d’investissement afin d’accroître la productivité des salariés du secteur privé, mais ils ont eu à faire face à un Etat en profonde mutation, qui a eu raison de se moderniser, mais qui a souvent modernisé ses structures sans se préoccuper de l’impact de cette modernisation sur les hommes.
Enfin, est-il si vrai de dire que les agents publics sont aujourd’hui à l’abri de la précarité de l’emploi ? Si l’on considère globalement nos trois fonctions publiques (la fonction publique d’Etat, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale), nous comptons près de 850 000 agents précaires dont le sort est d’autant plus frustrant que le reste du pays les regarde comme des privilégiés.
Surtout, non seulement les fonctionnaires ne sont pas à l’abri des phénomènes qui dégradent les conditions de travail des salariés du privé, mais ils ont également développé une souffrance propre, qui tient à la perte de ce qui fait le sens de leur métier, la poursuite de l’intérêt général.
Pour aller plus loin, nous vous proposons de découvrir notre formation santé au travail « Identifier, évaluer et suivre les risques psychosociaux ».